22 janvier 2013

La France de 1900 [Les fonds Seeberger]


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Ah que coucou !
 
Oups ! J’ai oublié de le poster cette nuit… désolée.
 
Pour continuer à expliquer ce qu’est ce livre admirable, voici expliqué par le Chef de Service photographique de la Caisse nationale des Monuments historiques en poste à l’époque où cet ouvrage a été édité (octobre 1979) ce que sont ces fameux fonds qui ont servi à Hubert Juin pour élaborer cette collection de photographies de la France en 1900 (texte se trouvant sous ma signature).
 
Et parce que j’suis fatiguée, pour ma part, je n’en écris pas plus ;)
 
Bonne pause K-Wa !
 
Bisous,
@+
Sab
 
 
ban
 
Les fonds Seeberger
 
 
C’est en 1976 que sont entrées aux Archives photographiques les quelques 3000 plaques constituant le fonds photographique des trois frères Jules, Louis et Henri Seeberger, fonds réalisé à la charnière des 19e et 20e siècles. Ces plaques, clichés-verre au gélatino-bromure d’argent, de format 13x18, sont pour la plupart dans un assez bon état de conservation.
Depuis leur acquisition, elles ont fait l’objet de tirages d’épreuves et d’un inventaire. En outre, un catalogue, des albums de références ainsi que des index thématiques sont en cours de réalisation.
Cette œuvre photographique présente des qualités esthétiques et un aspect créateur indéniables. Nous nous limiterons cependant à l’analyse du fonds pour en dégager les thèmes essentiels et montrer en quoi et à qui il peut être de la plus grande « utilité ».
Nous nous attacherons principalement à l’aspect documentaire du fonds Seeberger, en essayant de mettre en exergue le rôle informatif de ces 3000 images, qui plongent directement dans les racines socio-culturelles de notre passé récent.
 
 
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Pour un homme d’une quarantaine d’années, l’époque concernée est celle de la jeunesse de ses grands-parents : vingt années, de 1895 à la Grande Guerre. La France, rapidement relevée des séquelles de la défaite de 1871, connaissait alors une seconde étape de sa révolution industrielle. Les transformations considérables des sciences et des techniques allaient de pair, comme cela se produit fréquemment, avec des changements dans les rapports sociaux.
 
 
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Géographiquement, c’est quasi exclusivement la France qui a été explorée, et principalement la France urbaine – amputée de l’Alsace-Lorraine – et touristique : littoral méditerranéen, côte normande, montagnes de Savoie… Ce choix s’explique aisément : les frères Seeberger réalisaient leurs « campagnes photographiques » en vue de proposer leurs clichés à des fabricants de cartes postales. Ce secteur, alors en plein essor, fit naître quantité de vocations. La carte postale, forme de message utilisée principalement par des personnes en déplacement, orientait donc, par là même, l’activité des photographes. Les frères Seeberger travaillèrent largement en ce sens, photographiant les villes où l’on se déplaçait pour affaires et les lieux où les couches sociales aisées se rendaient pour le tourisme et les loisirs.
Nombre d’images laissées par les frères Seeberger sont des documents offrant un intérêt principalement topographique : sites naturels, sites urbains, monuments.
Les « grands monuments » anciens et modernes de la ville explorée font généralement l’objet de plusieurs clichés. La cathédrale ou l’église principale est représentée par des vues d’ensemble, et très souvent par des vues de détails de l’extérieur ou de l’intérieur. Les édifices plus récents, ou même tout à fait contemporains, qui font la fierté de la cité – palais de justice, hôtel de ville, gare, place à l’ordonnance monumentale, pont, théâtre – sont largement abordés.
Mais au-delà de l’aspect purement monumental de la ville sont immortalisés également les rues principales, le paysage urbain, et par là même la vie quotidienne qui se déroule dans cet espace urbain. La vie sur les quais du vieux port ou dans les grandes artères de Marseille nous est livrée avec minutie, souvent, comme celle qui se déroule au bord des bassins du Havre ou dans les rues niçoises ou lyonnaises. Des stations balnéaires au développement récent sont aussi dépeintes jusque dans leurs détails anecdotiques : Deauville, Trouville, les stations de la mer du Nord qui accueillent déjà les enfants de santé fragile.
Beaucoup plus rarement ont été fixés par l’objectif des frères Seeberger les paysages de la France et de leur époque. Les sites naturels retenus le sont en général suivant les critères essentiellement touristiques : paysages maritime, notamment d’admirables vues de la côte varoise où l’on vient de construire la route de corniche : sites montagneux, parmi lesquels la mer de Glace qui attire déjà touristes et sportifs.
Il n’en faut pas pour autant conclure que le seul intérêt du fonds Seeberger est d’ordre topographique. Comme nous l’avons déjà souligné, le fonds n’est pas la représentation statique des lieux. Il est aussi photographique de la vie. Bien que n’étant qu’occasionnellement des photographes de reportage, les frères Seeberger ont su conférer à leurs documents un caractère sociologique certain, en saisissant « sur le vif » la société de l’époque, les petits comme les grands, le monde du travail comme celui de l’oisiveté.
Parmi les centaines de documents qu’ils nous ont laissés sur la côte méditerranéenne, ils auraient pu tout simplement se contenter de saisir l’aspect assez superficiel d’une certaine société d’oisifs. Cette société-là, ils l’ont certes dépeinte en soulignant minutieusement ses principales préoccupations, et cela nous donne ce couple de bourgeois sortant d’une banque à Monte-Carlo, ces hommes affairés sur le champ de courses de Cagnes-sur-Mer, ces badauds au soleil sur la promenade des Anglais ; hôtels luxueux, restaurants à la mode, tous ces lieux que cette société affectionne, dont le Palais des Fêtes à Nice est un des plus beaux exemples.
Mais ils n’en sont pas restés là dans leur peinture, et c’est avec force détails qu’ils nous font connaître un phénomène primordial de ce siècle débutant, le formidable développement des moyens modernes de transport grâce auxquels justement a pu devenir « touristique » cette région de France si éloignée de la capitale. Ce sont ces clichés saisissant du chemin de fer en gare de Cannes ou encore jaillissant du tunnel d’Eze-sur-Mer. C’est le port de Marseille où se côtoient encore voiliers et steamers, paquebots et embarcations de pêcheurs : ce port de Marseille dont l’activité grouillante est fixée pour l’éternité.
Ils sont même allés plus loin, nous révélant la vie quotidienne des petites gens et, toujours dans ce pays méditerranéen, ce sont ces femmes accroupies à Nice le long du Paillon, ces bugadières en train de laver leur linge, ces nurses aux jardins Albert 1er, ces truculentes scènes de marché où superbes légumes et coquillages font la fierté de celui qui tient l’étal. Ces petites gens nous sont également présentés dans leurs loisirs et ce sont toutes ces scènes de fêtes foraines avec les « monstres » qui font rire ou qui font peur, guignol devant qui les enfants sont ébahis, l’équilibriste qui laisse perplexe cette foule agglutinée autour de lui.
C’est donc la photographie d’une société au travail, d’une société qui s’amuse, d’une société vivante, que nous ont laissée les trois frères Seeberger.
Nous avons choisi l’exemple de la côte méditerranéenne, mais cette peinture minutieuse se retrouve ailleurs : dans le Nord, ils n’ont pas manqué de fixer les grandes installations industrielles et c’est avec autant de soin qu’ils nous ont dépeint la côte normande ou la vie d’un grand port comme celui du Havre.
 
 
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Nous l’avons dit, ils n’ont été qu’occasionnellement des photographes de « reportage », si l’on ne veut retenir de ce vocable que l’aspect événementiel, car reporter de la vie quotidienne à la charnière des 19e et 20e siècles, ils l’ont été.
Dans le domaine purement événementiel, c’est avec beaucoup d’humour qu’ils ont vu les inondations de Paris en 1910, saisissant çà et là le côté inhabituel de la vie des Parisiens ; c’est le facteur qui fait sa tournée en barque ; la vieille dame apeurée devant la nécessité qui s’impose à elle de traverser sa rue à trois mètres du niveau du sol, en équilibre sur une planche ; la grosse femme, tout à fait respectable, emportée à bras-le-corps, de son domicile vers une barque, par un solide gaillard.
C’est avec autant d’humour qu’ils ont su saisir les images de la « fête à Neu-Neu » avec ces enfants en larmes sur le gros cochon de bois de ce si beau manège.
Et n’est-ce pas avec beaucoup de précision et quelquefois de l’ironie qu’ils nous ont laissé ces documents sur la fête des Fleurs en 1907 ?
Le fonds Seeberger, conservé, inventorié et catalogué, sauve de l’oubli une documentation irremplaçable sur quantité de sujets qui deviendra un précieux outil de travail pour nombre de chercheurs très divers.
L’historien des transports pourra y puiser des exemples des divers moyens de locomotion de l’époque : omnibus hippomobiles, tramways, premières automobiles, bateaux fluviaux, navire de commerce ou de guerre, locomotives, ou encore premiers ascenseurs publics, tel celui permettant d’accéder à Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille.
L’historien de la mode et du costume y trouvera des illustrations précises et variées sur les tenues vestimentaires courantes à l’époque.
Le sociologue y verra quantité de documents sur la vie quotidienne à cette époque en milieu urbain.
L’architecte chargé de la restauration d’un édifice aura à sa disposition d’irremplaçables documents sur l’état de ce dernier à la fin du 19e siècle, et pourra tendre ainsi à une reconstitution aussi fidèle que possible.
L’urbaniste reconstituera minutieusement, rue par rue, le tissu de la ville pour laquelle il tente de préserver un cadre de vie fait pour l’homme qui y vit.
Pour ces deux derniers types de recherches, le fonds Seeberger est particulièrement précieux, car il ne reflète pas seulement le grand patrimoine monumental mais s’étend également à ce que nous appelons aujourd’hui les bâtiments d’accompagnement.
En effet, il n’est pas inutile de rappeler que depuis les débuts de la photographie – les premiers calotypes datent de 1851 – des photographes spécialisés, tels Le Secq, le Gray, Bayard, Mestral ou Baldus, ont fixé l’état de nos grands monuments, châteaux ou cathédrales, souvent même avant que n’interviennent les grandes restaurations de la seconde moitié du 19e siècle. Mais ces artistes ont en général tenu à l’écart de leur objectif le paysage urbain : les rues, les squares, les ponts, les quais, le mobilier urbain. Tout cet ensemble utilitaire et intégré à la vie quotidienne, et bien souvent les édifices contemporains jugés insuffisamment monumentaux ou trop récents, ont été laissés en dehors des préoccupations. Or l’on sait avec quelle rapidité tout ce paysage urbain a été défiguré ou a même parfois disparu.
C’est le privilège du fonds Seeberger que d’aborder toute cette modernité de la fin du siècle et du siècle débutant à travers les palais des Beaux-Arts que chaque grande ville s’enorgueillit d’édifier, les ponts modernes, les grands magasins ou les théâtres nouveaux.
 
 
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Le rapide survol de ce fonds photographiques est pour nous l’occasion de nous interroger sur la pérennité de tels ensembles.
La photographie, et principalement la photographie ancienne, intéresse heureusement, de nos jours, un public de plus en plus large.
Cet intérêt grandissant n’est cependant pas sans présenter un certain danger pour les fonds eux-mêmes.
Certains pays européens ou américains portent déjà beaucoup plus d’intérêt que nous à la photographie et le premier des dangers est donc de voir partir vers l’étranger ces plaques photographiques.
Généralement, bien que ces fonds abordent quantité de thèmes différents, ils forment une entité, puisque constitués par un seul photographe ou un groupe de photographes à une époque donnée. L’autre danger est donc la dispersion de tels ensembles, tel collectionneur ou tel organisme s’intéressant à un thème précis.
Il nous apparaît ainsi comme de la plus grande importance que des organismes publics spécialisés, puissent faire entrer dans leurs collections, afin de les conserver, de les gérer et de les mettre à la disposition du public, ces fonds photographiques anciens qui font partie intégrante de notre patrimoine culturel.
 
Jean-Jacques Poulet-Allamagny
Chef du Service photographique
de la Caisse nationale des Monuments historiques

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