Tout ce que j'aime ici et ailleurs... sur notre petite planète bleue ou à l'extérieur... partagé sans modération aucune (enfin, dans la limite du possible ;))
30 juillet 2021
Alphonse Daudet : Mémoire d'un homme de lettres : Henri Monnier & Emile Ollivier
28 juillet 2021
Alexandre Dumas, fils : Les Forçats de Lettrés (Les Annales : Pages Oubliées)
26 juillet 2021
Charles Baudelaire : La Fausse-Monnaie
Comme nous nous éloignions du bureau de tabac, mon ami fit un triage de sa monnaie ; dans la poche gauche de son gilet, il glissa de petites pièces d’or ; dans la droite, de petites pièces d’argent ; dans la poche de gauche de sa culotte, un paquet de gros sous, et enfin, dans la droite, une pièce d’argent de deux francs qu’il avait particulièrement examinée. « Singulière et minutieuse répartition ! » me dis-je en moi-même.
Nous fîmes la rencontre d’un pauvre qui nous tendit sa casquette en tremblant. Je ne connais rien de plus inquiétant que l’éloquence muette de ces yeux suppliants, qui contiennent à la fis, pour l’homme sensible qui sait y lire, tant de soumission et tant de reproches. J’ai vu quelque chose approchant cette profondeur de sentiment compliqué, dan les yeux larmoyants des chiens qu’on fouette.
L’offrande de mon ami fut beaucoup plus considérable que la mienne, et je lui dis : « Vous avez raison ; après le plaisir d’être étonné, il n’en est pas de plus grand que celui de causer une surprise.
– C’était la pièce fausse », me répondit-il tranquillement, comme pour se justifier de sa prodigalité.
Mais dans son misérable cerveau, toujours occupé à chercher midi à quatorze heures (de quelle fatigante faculté la nature m’a fait cadeau), entre soudainement cette idée qu’une pareille conduite de la part de mon ami n’était légitimable que par le désir de connaître ou de préjuger les conséquences diverses, funestes ou autres, que peut engendrer une pièce fausse dans la main d’un pauvre.
Ne pouvait-elle pas se multiplier en pièces vraies ?
Ne pouvait-elle pas aussi le conduire en prison ?
Un cabaretier, un boulanger, par exemple, allait peut-être le faire arrêter comme faux-monnayeur ou comme propagateur de fausse monnaie. Tout aussi bien la pièce fausse serait peut-être, pour un spéculateur heureux, le germe d’une richesse de quelques jours.
Et ainsi ma fantaisie allait son train, prêtant ses ailes à l’esprit de mon ami, et tirant toutes les déductions possibles de toutes les hypothèses possibles.
Mais celui-ci rompit brusquement ma rêverie en reprenant mes propres paroles, presque aussi fidèlement que l’imbécile Pandore répondant au légendaire brigadier : « Oui, vous avez raison ; il n’y a pas de plaisir plus doux que de surprendre un homme en lui donnant plus qu’il n’espère. »
Je le regardais dans le blanc des yeux, et je fus épouvanté de voir que ses yeux brillaient d’une incontestable candeur. Je vis alors clairement qu’il avait voulu gagner à la fois quarante sols et le cœur de Dieu ; emporter le paradis et faire des économies ; bien mieux encore, ne rien dépenser, c’est-à-dire donner ce qui ne valait rien, ou, en d’autres termes, attraper gratis un brevet de charité.
Je lui aurais presque pardonné le désir de la criminelle puissance dont je le supposais tout à l’heure capable ; j’aurais trouvé curieux, singulier, qu’il s’amusât à compromettre des pauvres ; mais je ne lui pardonnerai jamais l’ineptie de son calcul.
On n’est jamais excusable d’être méchant ; mais il y a quelque mérite à savoir qu’on l’est.
Et le plus irréparable des vices est de faire le mal par bêtise.
24 juillet 2021
Maurice Leblanc [La Robe d'écailles roses] : Les Epingles d'or
Avec cette deuxième nouvelle nous n'avons pas envie de rire... tout au contraire. Elle a pour sujet un défaut que personnellement j'exècre le plus parmi les 7 péchés capitaux : la JALOUSIE... oui, cette jalousie qui empoisonne la vie de tous et plus particulièrement celle de l'entourage d'un individu jaloux. Chacun sait que vivre avec une personne jalouse, la vie devient très, très vite un véritable enfer.
22 juillet 2021
Alphonse Daudet : Mémoires d'un homme de lettres : Mon premier habit
20 juillet 2021
Emile Zola : Francisque Sarcey
18 juillet 2021
Maurice Leblanc [La Robe d'écailles roses] : La Robe d'écailles roses
Aujourd'hui nous commençons une nouvelle série de 11 nouvelles écrites par Maurice Leblanc et n'ayant pas Arsène Lupin comme héros ;)...
Imaginez que vous vendez une tenue que vous jugez ne plus être à votre goût, ou que vous estimez avoir trop portée mais étant encore assez correcte pour être portée par quelqu'un d'autre. Ca, c'est facile à faire : nous l'avons tous fait à un moment ou à un autre de notre vie...Maintenant imaginez qu'il s'agit d'une tenue de soirée et que lors d'une réception vous rencontriez une personne qui la porte alors que vous vous en étiez débarrassée quelques jours plus tôt en la déposant chez un revendeur...Quelle serait votre réaction ?Evidemment, bien élevés que nous sommes, nous n'allons nullement en faire étalage lors de la dite-réception tout comme nous n'allons nullement en parler aux autres invités/hôtes... mais une fois de retour à la maison, hors des non-familiers, dans l'intimité de notre cocon ???
16 juillet 2021
Alphonse Daudet : Mémoire d'un homme de lettres : Mon arrivée à Paris
14 juillet 2021
Jules Janin : Derniers jours d'un condamné (Pages Oubliées: les Annales)
12 juillet 2021
Camille Flammarion : L'Infini et l'Eternité
10 juillet 2021
Nicolas Machiavel : Sérénade
8 juillet 2021
Agatha Christie [Mr Parker Pyne - Professeur de Bonheur] : La Maison de Chiraz
6 juillet 2021
Gabriel Ferry : Les dernières années d'Alexandre Dumas
La vieillesse d’Alexandre Dumas fut attristée par de cruels besoins d’argent.
Cette gêne qui envahissait de plus en plus le foyer du maître l’attristait, et il s’efforçait de l’écarter dans la mesure de ses moyens.
Déjà l’activité de ses démarches avait provoqué à l’Odéon une intéressante reprise de la Conscience, drame de Dumas qui avait obtenu un grand succès quelque temps auparavant.
Victor Leclerc avait été trouver, de la part de Dumas, Chilly – alors directeur de l’Odéon ; il lui avait représenté que la Conscience, reprise avec Laferrière, avait toutes les chances de rencontrer de nouveau le succès d’autrefois, Chilly se laissa persuader, et cette reprise donne raison aux prévisions de Dumas.
Ce drame avait été représenté pour la première fois le 4 novembre 1854.
Il sut rendre intéressante cette reprise de la Conscience en 1869.
Elle fournit encore une belle carrière à l’Odéon.
Ce précédent inspira à Victor Leclerc l’idée de porter au directeur du Châtelet la première partie de les Blancs et les Bleus, et de solliciter la commande d’un drame pour ce vaste théâtre.
Le directeur du théâtre était alors M. Fischer.
Il venait de monter, avec un grand luxe de mise en scène, le Théodoros, de Théodore Barrière.
La lecture du premier volume de les Blancs et les Bleus l’empoigna ; il vint prier Dumas de tirer un drame de son ouvrage et lui promit de le représenter immédiatement après Théodoros.
Dumas se mit immédiatement à la besogne, et, en quelques jours, il eut écrit le drame.
Chez lui, le roman est toujours si mouvementé, si scénique, que la pièce sort facilement.
Comme le Châtelet ne possédait pas une troupe d’ensemble suffisante pour jouer un drame de l’importance de les Blancs et les Bleus, on alla chercher des interprètes au-dehors.
Laray fut embauché spécialement pour remplir le rôle de Pichegru.
Taillade fut demandé à l’Odéon pour tenir le personnage de Saint-Just.
Dumas avait placé dans son drame Charles Nodier enfant. On confia ce rôle à Mle Gabrielle Gautier, qui s’y montra pleine de naturel et de gentillesse.
Un sergent loustic de l’armée du Rhin, appelé Falou, personnifiait la partie comique de la pièce.
Ce rôle, très franc, très gaulois, échut à l’acteur Courtès.
Ce comédien consciencieux, qui a acquis une légitime notoriété sur le boulevard, était une vieille connaissance pour Dumas. En 1865, il avait fait partie de la troupe que le romancier recruta alors pour jouer d’abord son drame des Gardes forestiers sur le théâtre de la rue de Lyon.
Ce souvenir nous rappelle une anecdote rétrospective qui aurait dû prendre sa place plus haut.
Dumas, avons-nous dit, avait fait une mauvaise opération commerciale en louant pour son compte cette salle, qui devait rester perpétuellement enguignonnée sous le nom de Grand Théâtre-Parisien. L’élévation de la température et l’indélicatesse d’un secrétaire lui frustrèrent des recettes qu’il pouvait espérer de la représentation des Gardes forestiers.
Il dut fermer le théâtre et arrêter les représentations.
Il restait débiteur de cinq ou six cents francs envers chacun de ses artistes, et il n’avait pas alors les ressources nécessaires pour les désintéresser.
Du jour au lendemain, ces artistes se trouvèrent sur le pavé, sans engagement. Cette situation émut le romancier.
Le lendemain de la fermeture, il réunit ses acteurs dans le foyer du théâtre, et leur tint à peu près le langage suivant :
« Mes enfants, vous savez pourquoi je suis obligé de fermer le théâtre. Vous êtes sans engagement ; mais il m’est venu une idée qui, si vous l’adoptez, peut remédier à la situation. Cette idée, la voici :
« Les Gardes forestiers sont faciles à jouer partout, en raison de leur peu de mise en scène ; formez-vous en société et allez jouer mon drame dans toutes les villes des départements limitrophes. Je vous autorise à prendre sur l’affiche le nom de troupe dramatique de M. Alexandre Dumas ; et, quand vous jouerez dans une ville voisine de Paris, télégraphiez-moi le matin.
» Je vous promets d’arriver le soir pour la représentation.
» Je crois donc fermement que vous aurez du succès et que vous ferez de l’argent, si vous vous ralliez à mon projet. »
L’idée, en effet, était pratique, originale. Les artistes l’adoptèrent.
Ils se constituèrent en société, et allèrent jouer les Gardes forestiers dans les départements de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, de l’Oise et de l’Aisne.
Quand on jouait, on envoyait quelquefois une dépêche à Dumas.
Il arrivait le soir, et assistait à la représentation dans une loge bien en vue.
On faisait salle comble.
Quelquefois, les artistes faisaient une seconde représentation du drame ; car tous les empressés ne trouvaient pas toujours de la place pour la première audition.
Un jour, la troupe donnait une représentation à Laon. On avait envoyé une dépêche au romancier, et le bruit de sa venue se répandit rapidement dans la ville.
Sept heures sonnent, la salle est bondée de spectateurs, et Dumas n’est pas encore arrivé.
Cependant, on lui avait envoyé une dépêche.
On attend encore une demi-heure : personne ! Alors les artistes pensant que le maître ne viendra pas, se décident à faire lever le rideau, et commencent la représentation.
Mais les spectateurs, qui comptaient sur la présence de Dumas, croient à une mystification et deviennent furieux.
Cette fureur se traduit par un vacarme qui remplit l’enceinte du théâtre.
Sur la scène, les acteurs étaient consternés ; et le commissaire de police de la ville se montrait inquiet des suites de ce tapage.
Au moment de lever la toile sur le second acte, un grand bruit se fait dans la salle, des acclamations retentissent de toutes parts : c’est Dumas qui entre dans sa loge et qui salue le public.
Il avait manqué le train, de là son retard.
Les artistes respirèrent.
Ils allaient entamer le deuxième acte, quand tous les assistants s’écrièrent :
« Le premier acte ! nous voulons le premier acte ! »
Comme ils n’y avaient pas fait la moindre attention, ils désiraient qu’on le recommençât.
Les acteurs obéirent, et la représentation se poursuivit sans encombre.
Villers-Cotterets – patrie de Dumas et lie de la scène des Gardes forestiers – fut une des étapes de la tournée dramatique.
Les habitants reçurent avec enthousiasme Dumas et ses artistes.
Ils réclamèrent une seconde représentation du drame pour le lendemain.
Les acteurs, électrisés par cet accueil, se surpassèrent.
Dumas, ravi de la cordialité de ses compatriotes et du zèle de ses interprètes, rayonnait. Parfois, la joie lui inspirait des idées originales.
A l’issue de la représentation, il alla dans les coulisses serrer la main de tous ses artistes.
« Mes enfants, leur dit-il, vous avez admirablement bien joué ce soir ; aussi, demain matin, j’irai à l’hôtel où vous êtes descendus, et je vous ferai moi-même à déjeuner. »
Il tint parole ; le lendemain, il s’installait devant les fourneaux de la cuisine de l’hôtel, et confectionnait un excellent déjeuner pour ses interprètes.
Il avait même poussé la couleur locale jusqu’à coiffer le bonnet de chef et à ceindre le tablier blanc.
Les fenêtres de la salle à manger étaient au rez-de-chaussée, et ouvraient sur la rue.
Pendant deux heures, les habitants de Villers-Cotterets défilèrent devant ses fenêtres pour voir Dumas servant lui-même ses artistes en tablier blanc.
Ces derniers récupérèrent largement, pendant cette tournée, les appointements qu’ils avaient perdus au Grand Théâtre-Parisien.