30 juin 2019

1876 [Exposition universelle 1878] : Les moyens de communication (Paris)

Ah que coucou !

C'est en cherchant des informations concernant une invention pour les trains que je suis tombée sur la revue : L'Exposition universelle 1878 illustrée qui relate toutes les étapes, les expositions, etc. qui ont eu lieu lors de la dite Exposition. L'ayant feuilleté j'ai relevé différents articles narrant l'actualité ferroviaire de ces années 1878 et antérieure et j'ai décidé de regrouper les dits-articles dans un e-book que j'ai expédié aux "supporters" de l'Histoire du chemin de fer et de l'Histoire en général se trouvant dans mon entourage. Et puis je me suis dit que cela en intéresserait d'autres, c'est pour cela qu'aujourd'hui nous commençons une nouvelle série : L'Exposition universelle de 1878 (et le rôle qu'a eu et tenu le chemin de fer, qu'il soit représenté par un train, tramway ou métro).


Dans ce premier article (regroupant 4 articles parus en 1876, dans les n° 64, 65, 67 & 68) nous abordons l'organisation du transport pour atteindre les lieux où se déroulent les événements (Trocadéro & Champs-de-Mars et le quartier).

Depuis la moitié du 19e siècle, suite aux différentes transformations de Paris, la population parisienne migre vers l'"extérieur" de Paris, il faut donc "organiser des transports en commun" permettant à Paris de vivre. Et après la guerre de 1870-1871 les transports entre Paris et sa banlieue sont assurés principalement par des omnibus surpeuplés, aidés par des tramway (tirés par des chevaux) et quelques lignes de chemins de fer. L'administration et les élus sont conscients qu'il faut, à l'image de Londres, New-York, par exemple, moderniser les transports parisiens... et on va profiter de cette exposition universelle de 1878 pour, justement, pouvoir choisir entre plusieurs projets, résumés dans les articles suivants.

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab





Les moyens de communication dans Paris et la Banlieue
(n° 64, juin 1876)

Depuis quelques années nos édiles se sont vivement préoccupés de la question des moyens de communication dans Paris et dans la banlieue. Le sujet n’était cependant pas nouveau, il s’imposait dès 1860, alors que Paris, reculant ses barrières jusqu’aux fortifications forçait toutes les grandes industries et avec elles les nombreuses populations qu’elles font vivre à aller chercher dans la nouvelle banlieue un refuge hors des atteintes de l’octroi.
Les communes suburbaines ouvrirent leurs portes à ces transfuges et à côté de es char-mantes villas émaillant les alentours de la capitale et où le Parisien vient chaque dimanche cher-cher le repos et l’oubli des labeurs de la semaine, se dressent aujourd’hui des usines, des manu-factures qui ne possèdent avec la capitale que des moyens imparfaits de relation.
Et dans Paris lui-même que s’est-il passé ?
Grâce à l’initiative hardie de M. Haussmann secondé par d’habiles ingénieurs, les vieux quartiers ont disparu et sur leurs ruines se sont élevés de magnifiques hôtels et d’importantes maisons de commerce. Le vieux Paris est devenu la résidence du riche et le centre des affaires.
Devant cette transformation, la population d’aisance moyenne, le petit bourgeois, l’em-ployé ont dû s’éloigner et aller établir leurs pénates dans les quartiers excentriques où ils trou-vaient les loyers moins élevés et la vie à meilleur compte.
Dans les premières années de l’annexion quelques rares omnibus avaient leur tête de ligne aux fortifications et souvent l’employé, l’ouvrier étaient forcés d’aller à pied et de prélever ainsi sur les heures de repos le temps nécessaire au trajet à accomplir.
Reconnaissons tout d’abord que de très grandes améliorations ont été faites et que si nous comparons ce qui existait alors avec ce qui se pratique aujourd’hui, nous devons remercier l’administration des progrès réalisés, mais nous devons en même temps constater que nous sommes encore loin d’avoir atteint les desiderata réclamés instamment par les populations. Si les moyens de communication sont plus complets, ils sont encore malheureusement imparfaits et nous ne pouvons mieux faire que de rappeler ici l’opinion exprimée par M. le directeur des travaux de Paris, dans ses notes à l’appui du budget de 1872.

Si les omnibus peuvent suffire en temps ordinaire aux besoins de la population, ils deviennent complètement insuffisants les jours de fêtes pour la plupart des lignes, et quotidiennement sur les grandes artères, objet d’une circulation très active.
Pour remédier à cette insuffisance, il faut employer des voitures de grande dimension, partant à des intervalles très rapprochés. Mais alors les moyens ordinaires de traction sont insuffisants et il devient indispensable de recourir soit à la vapeur, soit aux voies ferrées.
Paris, sous ce rapport, est à l’état d’infériorité vis-à-vis des autres capitales. En Angleterre, en Amérique, à Bruxelles, à Vienne, il existe de nombreux chemins de fer posés sur le sol des rues et connus sous le nom de chemins de fer américains ou tramway.
A Londres, des chemins de fer souterrains sillonnent une partie consi-dérable de la ville. New-York possède, indépendamment des tramways, des chemins de fer aériens, posés au-dessus du sol par un système de colonnes et de travées métalliques.
A Paris, au contraire, il n’existe qu’une faible section du tramway con-cédé à la Compagnie Loubat, entre Sèvres et Vincennes, qui n’a jamais été prolongé au delà de la place de la Concorde, et qui est encore à exécuter entre cette place et Vincennes.

Si cette appréciation, bien vrais en 1872, n’est plus aujourd’hui tout à fait exacte, elle n’en existe pas moins dans sa partie principale et nous nous rallions complètement à l’avis de M. le directeur des travaux, à savoir qu’il n’y a qu’un chemin de fer ordinaire, à double voie et à traction de locomotive qui puisse satisfaire, dans le présent et dans l’avenir, aux nombreux besoins des populations de Paris et de sa banlieue.
La question qui nous occupe vient de faire un nouveau pas qui, cette fois, paraît devoir être décisif.
Une commission d’ingénieurs, présidée par M. Alphand, a été chargée d’aller étudier de visu le Metropolitan railway de Londres et d’examiner s’il ne serait pas possible de doter Paris de moyens rapides de locomotion.
La commission a déjà donné lecture de son rapport au conseil municipal qui s’est montré animé des meilleures dispositions pour en réaliser l’exécution ; il a formulé le vœu de voir commencer les travaux sans retard afin qu’ils puissent être achevés lors de l’Exposition universelle de 1878.
Les projets de chemins de fer présentés il y a quelques années par un grand nombre d’ingénieurs, vont donc être l’objet d’un nouvel examen, et dans quelque temps il faut l’espérer, le problème aura enfin reçu une solution définitive.
(A suivre)

Victor Favry


Les moyens de communication dans Paris et la banlieue (suite)
(n° 65, juillet 1876)

Les moyens de locomotion mis à la disposition des habitants de Paris et de la banlieue peuvent se classer en trois grandes catégories :

  1. Les Omnibus
  2. Les Tramways
  3. Les Chemins de fer.

Nous allons examiner ces divers systèmes et indiquer les améliorations dont il nous paraissent susceptible.


1. Les Omnibus

Tout le monde connaît ce mode de transport, admirablement organisé d’ailleurs, mais d’une insuffisance notoire, surtout le soir et les jours de fêtes.
Qui n’a vu, le dimanche, cette foule se pressant autour des voitures qu’elle cherche à en-vahir d’assaut des voitures qu’elle cherche à envahir d’assaut ; qui n’a éprouvé cette déception d’arriver à un bureau vers cinq ou si heures du soir et de se voir obligé ou d’aller à pied ou d’attendre une heure ou deux pour avoir une place.
La Compagnie des omnibus fait parfaitement son service, mais nous sommes forcé de reconnaître qu’elle mécontente le public. Il faudrait que le soir les départs de voitures fussent plus fréquents et que les dimanches et fêtes, le service fût augmenté ; mais les sacrifices qu’entraî-nerait une organisation irréprochable serait sans aucun doute hors de proportion avec les bénéfi-ces à réaliser, et il faut plutôt chercher le remède dans l’établissement de nouveaux moyens de transports.

2. Les Tramways

L’administration municipale a reconnu l’insuffisance des omnibus et elle a cherché à y pa-rer en introduisant chez nous le système des voitures sur rails, dites Tramways, dont l’usage pro-duit d’excellents résultats tant en Amérique que chez nos voisins.
En 1872, le Conseil Général a voté l’établissement d’un réseau de Tramways reliant Paris avec les localités les plus importantes de la banlieue et a, en même temps décidé, dans l’intérieur de la ville, la création d’une ligne circulaire suivant les anciens boulevards extérieurs, du pont de Bercy jusqu’à la place de l’Etoile, l’avenue Joséphine, l’avenue Bosquet, l’avenue de Tourville, les boulevards des Invalides, du Montparnasse, de Port-Royal, St-Marcel et de l’Hôpital.
Aujourd’hui dix lignes de Tramways sont livrées à l’exploitation, savoir :

  1. De Vincennes à Sèvres, Saint-Cloud et Versailles, en suivant dans Paris les quais de la rive droite ;
  2. De la place de l’Etoile à la Villette
  3. De la Villette à la place du Trône ;
  4. De la place de l’Etoile à Courbevoie ;
  5. De Courbevoie à Puteaux et Suresnes ;
  6. De la place de l’Etoile à la gare Montparnasse ;
  7. De Saint-Augustin à Neuilly (Boulevard Bineau) ;
  8. De Saint-Augustin à Levallois-Perret ;
  9. De la place Saint-Germain-des-Près à Montrouge ;
  10. De la place Moncey à Clichy et Asnières.

Les autres lignes concédées sont en cours d’exécution ou vont être entreprises, et le Pré-fet de la Seine, d’accord avec la Compagnie des Omnibus, va prochainement proposer au Conseil municipal, en remplacement de plusieurs lignes d’omnibus, la construction des six lignes de tram-ways ci-après :

  1. Du Château-d’Eau au cimetière de Saint-Ouen (par les boulevards Magenta, Ornano et la route d’Epinay) ;
  2. Du Château-d’Eau au square de Cluny (par les boulevards Voltaire, Richard-Lenoir, Henri IV et Saint-Germain) ;
  3. Du chemin de fer de Ceinture sur le cours de Vincennes à la rue aux Ours (par le boulevard Voltaire, la place du Château-d’Eau et la rue Turbigo) ;
  4. De la Bastille au pont de Charenton (par le boulevard de la Contrescarpe et les quais de la rive droite) ;
  5. Du chemin de fer de Sceaux à la place de la Chapelle (par la rue d’Enfer, les boulevards Saint-Michel, du Palais, Sébastopol, de Strasbourg et le faubourg Saint-Denis) ;
  6. Du quai du Louvre à Passy, chaussée de la Muette (par les quais de la rive droite, l’avenue de l’Empereur et l’avenue Prudhon).
Les tramways rendent de très grands services et ils en rendront partout où ils seront ins-tallés. L’empressement du public à se servir de ce moyen de locomotion justifie pleinement l’espoir qu’on en avait conçu et démontre une fois de plus la nécessité de multiplier les systèmes de trans-port : la clientèle des omnibus n’a pas beaucoup souffert de l’installation de ce nouveau service.
L’usage de ces grandes voitures au milieu de Paris inspirait certaines craintes, on redou-tait les accidents et on n’était pas sans inquiétudes sur le trouble que ces énormes véhicules sillonnant des quartier populeux allaient jeter dans la circulation.
L’expérience a complètement réussi : les accidents sont pour ainsi dire nuls, le public et les voitures se rangent à l’approchent des omnibus qui traversent, ainsi qu’on a pu le constater, des foules compactes sans le moindre inconvénient.
Mais pour que les tramways rendent tous les services qu’on est en droit d’attendre d’eux, il faut, pour certaines lignes du moins, remplacer les chevaux par la vapeur ou l’air comprimé. - On pourrait, de cette façon, mettre deux ou trois voitures l’une derrière l’autre et augmenter ainsi - les facilités de transports.
Les progrès réalisés jusqu’à ce jour sont immenses, mais pour les compléter, il faut établir des voies ferrées à traction de locomotive.

3. Les chemins de fer
Faut-il des chemins de fer ?

Il y a, à ce sujet unanimité de vue et d’aspiration entre les ingénieurs.

La question, nous disent-ils, des moyens de communication dans l’in-térieur de Paris se pose aujourd’hui impérieusement.
Paris doit renfermer un ensemble de chemins souterrains, pareil à celui de nos omnibus sur les voies publiques.
Depuis vingt ans, en dehors du chemin de fer de Ceinture, de la ligne d’Auteuil et de celle de Vincennes, on y a rien fait pour la locomotion rapide.
D’autre part, les lignes actuelles, à de minimes exceptions près, des-servent fort mal les environs de Paris, où les communications transversales font complètement défaut.
La question des voies de communication et des moyens de transport dans le département de la Seine et particulièrement dans l’intérieur de Paris, s’impose aujourd’hui à tous les esprits sérieux.

Comme on le voit, les opinions des hommes les plus compétents en la matière peuvent se résumer ainsi :

Oui, il faut doter Paris et sa banlieue de chemins de fer.

Si l’établissement d’une voie ferrée dans le département de la Seine est vivement souhai-té par les esprits éclairés qui en apprécient tous les avantages, son utilité fait l’objet des critiques de quelques personnes qui n’y sont nullement intéressées.
Toutes les objections tombent devant les réclamations fondées de l’industrie parisienne et de la banlieue qui depuis de longue années sollicitent l’ouverture de voies de communication com-modes, rapides et économiques, se plaignant avec raison de la difficultés qu’elle rencontre tant dans son approvisionnement que dans l’écoulement des produits manufacturés.
Le Conseil général de la Seine s’est préoccupé de la question. Il s’est demandé quelle était l’importance des produits bruts entrant dans ces usines, dans ces manufactures suburbaines pour en sortir, peu après, façonnés, métamorphosés sous mille formes diverses et aller répandre dans le monde entier les témoignages de notre intelligence, de notre activité, de notre industrie.
Il a supputé quelle immense et fécondante source de travail, de richesse et de bien-être menaçait d’être tarie, si on ne venait promptement à son secours.
Il a songé enfin à cette population laborieuse qui attend avec anxiété qu’on décide de son sort.
Justement ému, le Conseil général a reconnu la nécessité de donner satisfaction aux besoins matériels des populations du département de la Seine et dans sa séance du 25 octobre 1872, il a décidé en principe la création d’un chemin de fer circulaire dans la banlieue de Paris.
Ceci posé, examinons : Comment doivent être conçus ces chemins de fer ?
M. le directeur des travaux de Paris nous indique que rien n’était plus simple que d’établir des voies ferrées dans l’intérieur de la capitale lors de l’exécution des travaux de transformation qui en ont fait la première ville du monde.

Il est regrettable, dit-il, que l’étude des chemins de fer aériens ou sou-terrains n’ait pas été faite au moment de la création des nouveaux perce-ments des boulevards.
Il eut été facile alors, en étendant un peu les expropriations, de don-ner à la voie l’axe de largeur nécessaire pour construire, au centre de la chaussée, des arcades en maçonnerie ou en métal, dans le genre du via-duc d’Auteuil, pouvant porter une voie de fer. Les soutènements de che-mins de fer, combinés avec l’établissement des égouts, n’auraient exigé qu’un faible surcroît de dépenses, sans gêne pour la circulation et n’au-raient pas offert toutes les difficultés que présenterait aujourd’hui le perce-ment de ces souterrains, sous des voies publiques très fréquentées et au milieu de l’énorme réseau des égouts de Paris.

L’idée d’établir un chemin de fer au milieu de la voie publique n’est pas nouvelle. Depuis plus de vingt ans le chemin de fer d’Auteuil nous offre un spécimen de cette heureuse disposition qui, plus récemment a été adoptée pour le chemin de fer de ceinture entre Auteuil et Grenelle.
M. Alphand a certainement raison de regretter que l’on n’ait pas profité de la transforma-tion de Paris pour établir des chemins de fer au milieu de ses voies, mais ce qu’on a négligé de faire alors, pourquoi ne pas le faire aujourd’hui ?
Il reste encore de grands percements à exécuter, et quelques-unes des larges avenues déjà construites permettraient sans difficultés sérieuses l’établissement des voies ferrées.
M. le Directeur des travaux de Paris parle d’installer sur les voies publiques soit un che-min de fer aérien, soit un chemin de fer souterrain ; il semblerait qu’il n’y eût place dans Paris que pour l’un ou l’autre de ces deux systèmes. Sans approfondir les motifs qui ont pu dicter cette préfé-rence, nous croyons qu’un chemin de fer doit toujours être construit d’après les principes en usage et consacrés par l’expérience. Suivant le relief du sol, il passera en souterrain, en viaduc ou à niveau : La seule règle à observer, et elle est absolue, c’est de n’apporter aucune gêne à la circulation publique, notamment au croisement des voies.
L’Exposition universelle qui doit avoir lieu en 1878, a remis à l’ordre du jour la question d’établissement de voies rapides de locomotion dans Paris et sa banlieue, et le voyage que vient de faire à Londres la Commission de savants ingénieurs, nommés par M. le Préfet, fait bien augu-rer pour la création des chemins de fer si unanimement réclamés par les populations du départe-ment de la Seine.
Dès 1871, plusieurs ingénieurs, sur l’invitation qui en avait été faite par M. Léon Say, alors préfet, se sont mis à l’œuvre pour étudier les meilleures conditions d’établissement de chemins de fer dans Paris. Quarante-sept projets furent présentés et la Commission chargée de leur examen en écarta tout d’abord quarante et n’en retint que sept comme pratique ou méritant attention.
Au moment où l’administration s’occupe de nouveau de la solution de cette question, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de rappeler les sept projets qui ont valu à leurs auteurs une mention honorable de la part de la Commission.

1° Projet de MM. Brame, Flachat et Grissot de Passy.

Ce projet a pour but unique de relier les Halles centrales avec le réseau de nos grandes voies ferrées.
Cette idée n’est pas nouvelle : dès 1848, elle a été émise et a fait l’objet de discussions approfondies.
Quoi de plus rationnel en effet que d’amener directement aux Halles, sans transbordement ni camionnage, les nombreux produits qui affluent à Paris de tous les points de la France.
Le chemin projeté serait construit en souterrain et dans les mêmes conditions que les grands chemins de fer, de sorte que wagons et machines pourraient arriver aux Halles où un gare également souterraine serait aménagée pour les recevoir.
Aucun obstacle sérieux ne s’oppose à l’exécution de ce projet, si ce n’est qu’il coûtera 4 millions de francs par kilomètre.
Ce qui est plus grave, ce sont les réflexions des ingénieurs de la Commission de 1871, qui, si elles étaient fondées, démontreraient a fortiori l’inutilité du projet.
A l’exception de la marée et de quelques autres produits alimentaires, les colis arrivant à Paris sont disséminés dans les wagons composant les trains de marchandises, aucune expédition n’atteint la charge complète d’une voiture. Il faudrait donc, avant de se servir du chemin projeté, faire un triage des colis à destination des Halles. On pourrait encore, il est vrai, inviter les grandes Compagnies à réunir dans les mêmes wagons les marchandises à livrer dans la gare centrale, mais en pratique, ce mode de chargement ne serait peut-être pas toujours facile à réaliser ; d’un autre côté, ce nouveau service exigerait l’organisation d’un personnel spécial d’octroi, fort onéreux.
La Commission, en présence de l’énorme dépense à faire, estime que les tarifs ne pourraient qu’être fort élevés et qu’il est permis de douter que le public change ses habitudes pour suivre la nouvelle entreprise, s’il ne trouve des avantages sérieux sur les moyens dont il dispose aujourd’hui.
Une dernière considération sur l’ensemble de ce projet, c’est que sans utilité pour le transport des voyageurs, on ne comprend pas pourquoi les auteurs relient les Halles avec les lignes des cinq grandes Compagnies qui déjà sont soudées ensemble par le chemin de fer de Ceinture. Il eut été plus simple et plus rationnel de prolonger le chemin de fer de l’Est jusqu’aux Halles en empruntant les boulevards de Strasbourg et Sébastopol.

(A suivre.)

Victor Favry


Les moyens de communication dans Paris et la banlieue (suite)
(n° 67, août 1876)

2e Projet de M. Lemasson

L’auteur a présenté une étude complète de chemin de fer pour desservir Paris et sa banlieue, mais il a abandonné une partie de son projet et nous nous bornerons à décrire sa ligne principale.
M. Lemasson propose de relier Boulogne à la Bastille et au chemin de fer de ceinture à Montrouge, en suivant l’avenue du Bois de Boulogne, la place de l’Etoile, l’avenue Friedland, le boulevard Haussmann, la rue Auber, puis les grands boulevards jusqu’à la Bastille : de là, le tracé prend le boulevard Bourdon, traverse la Seine, passe devant la Halle aux Vins, emprunte le boulevard Saint-Germain jusqu’au square de Cluny et suivant le boulevard Saint-Michel et l’avenue d’Orléans, gagne le chemin de fer de Ceinture à Montrouge.
L’exécution de ce projet nécessiterait l’établissement d’un long souterrain ne prenant de l’air que dans les terrains du grenier d’abondance et sur les quais de la Halle aux Vins.
La construction ne présenterait pas de difficultés sérieuses, elle occasionnerait une dépense de 4 millions par kilomètre.
Nous ne sommes pas ennemi des souterrains et nous les comprenons fort bien bien lors-qu’on les restreint au strict indispensable, mais lorsqu’il s’agit, comme dans l’espèce, d’établir un tunnel d’une dizaine de kilomètres de longueur, nous avouons que nous ne voyons pas quels avantages et quels agréments pourrait procurer aux voyageurs la construction de cette longue galerie noire et humide.
On invoque ce qui se pratique à Londres, mais on oublie de tenir compte des circons-tance climatériques qui ne sont pas les mêmes en France qu’en Angleterre.
Que les voyages souterrains trouvent des adeptes de l’autre côté de la Manche, cela n’a rien de surprenant, tout le monde sait en effet que la métropole anglaise est le séjour par excellen-ce des brouillards et de la pluie ; mais à Paris où le soleil n’est pas un mythe, où le beau temps est la règle et la pluie l’exception, il n’est pas permis d’espérer que le Parisien, ami de la lumière et de la flânerie entreprenne bénévolement ce voyage dans l’obscurité ; il préférera, on peut en être cer-tain, faire le trajet de la Madeleine à la Bastille sur l’impériale d’un omnibus d’où il peut contempler à son aise l’animation de nos boulevards.

3e Projet de M. Vauthier.

M. Vauthier avait proposé l’établissement d’une ligne circulaire sur les anciens boulevards extérieurs et d’une autre ligne sur les quais de la rive droite.
La première ligne passait tantôt en souterrain, tantôt en viaduc, mais le plus souvent sui-vant ce dernier système et avait pour axe le centre du boulevard.
La seconde ligne, celle des quais, était portée par un viaduc métallique reposant sur un double rang de colonnes dont l’un s’appuyait sur le parapet du quai et l’autre sur le chemin de halage.
La commission reconnaissait que M. Vauthier avait choisi les conditions les plus favora-bles à l’exécution impossible, la longueur des tunnels étant relativement peu considérable.
Ce projet ne paraît pas avoir été l’objet d’un examen suffisamment approfondi et de qui justifie cette opinion, c’est le fait accompli. N’avons-nous pas vu, en effet, l’administration concéder à la Compagnie des omnibus la première partie du projet de M. Vauthier ; seulement au lieu d’avoir une locomotion par la vapeur, elle a jugé suffisante la traction par chevaux.
Or, qu’arrive-t-il ? C’est que le tramway ne rend aujourd’hui que des services incomplets, et qu’il ne satisfait qu’imparfaitement aux besoins de la population : après six mois à peine d’exis-tence on songe à substituer aux chevaux la traction par la vapeur.
Combien eut été préférable, selon nous, d’adopter la première partie du projet de M. Vau-thier avec quelques modifications qui auraient permis de relier son tracé des boulevards extérieurs avec le chemin de fer de ceinture et avec nos grandes voies ferrées.
Paris serait déjà doté d’un chemin de fer de première utilité.
Quant au tracé suivant les quais, le système de construction proposé par M. Vauthier est fort ingénieux, seulement ce chemin de fer est-il aussi nécessaire que le pense son auteur ?
Cette partie de Paris n’est-elle pas complètement desservie par les bateaux à vapeur et les omnibus ?
Enfin pour ceux, et le nombre en est grand, qui désirent conserver à la capitale toutes ses splendeurs, cette voie aérienne ne serait-elle pas, sur bien des points, comme un écran placé entre l’enthousiasme du spectateur et l’admirable beauté de nos monuments ?
Si la nécessité parlait, cette considération ne devrait pas nous arrêter, mais jusqu’à présent, l’utilité de ce chemin n’est pas suffisamment démontrée.

4e Projet de M. Brunfaut
M. Brunfaut a déposé un projet de chemin de fer circulaire reliant entre elles la plupart des communes suburbaines du département de la Seine et pénétrant dans Paris par cinq branches aboutissant le plus près possible du centre de la capitale.
L’auteur a divisé son projet en cinq sections que nous allons décrire :
La première a son point de départ à Notre-Dame de Lorette, où serait établie une gare-marché destinée à être l’entrepôt des produits maraîchers du Nord, et aboutit à Issy. Le tracé se dirige vers le Nord, et dessert Batignolles, Saint-Ouen, Clichy, Levallois, Neuilly, le bois de Boulo-gne, Longchamps, Boulogne, Saint-Cloud, Sèvres, les Moulineaux et Bas-Meudon.
A cette section se rattachent deux embranchements : l’un reliant la station d’Auteuil, sur le chemin de fer de ceinture, avec le champ de courses de Longchamps, en longeant le bois de Bou-logne ; l’autre, partant de Saint-Ouen et aboutissant à Suresnes après avoir desservi Gennevilliers, Asnières, la Garenne, Courbevoie et Puteaux.
La deuxième section a son origine sur le quai d’Orsay et son point d’arrivée à Villejuif [La partie d cette section comprise entre l’Esplanade des Invalides et les Moulineaux a été concédée récemment à la Compagnie des chemin de fer de l’Ouest].
Le tracé suit le quai d’Orsay et passe en souterrain devant le champ de Mars ; il est à niveau sur les quais de Grenelle et de Javel et permet ainsi à toute fabrique, entrepôt ou usine de se relier facilement avec la voie projetée en même temps qu’il ne met aucune entrave à la naviga-tion fluviale. Cette partie du chemin circulaire passe par ou près Issy, Vanves, Montrouge, Ba-gneux, Châtillon, Fontenay-sur-Rose, Arcueil, Gentilly, Villejuif.
La troisième section a sa gare de départ sur le quai Montebello, en face Notre-Dame, et vient se jonctionner à Bonneuil avec le chemin de fer de Vincennes. Son but principal est de mette en relation avec les chemins de fer du midi l’entrepôt des liquides du quai Saint-Bernard.
Cette ligne dessert Bicêtre, Gentilly, Ivry, Vitry, Maisons-Alfort, Créteil et Bonneuil.
La quatrième section n’est autre que le chemin de fer de Vincennes prolongé à partir de Fontenay-sous-Bois jusqu’à Romainville, après avoir touché Montreuil-sous-Bois, Bagnolet. Elle ouvre des débouchés aux nombreuses carrières de gypse en pleine exploitation dans cette partie des environs de Paris.
Enfin la cinquième section, qui n’est pas la moins importante, part de la place du Château-d’Eau et aboutit à Saint-Ouen. Elle dessert les importantes localités suivantes : les Lilas, Romainville, Pantin, Aubervilliers, la Courneuve, Saint-Denis et Saint-Ouen.
Comme on le voit, M. Brunfaut a cherché à donner satisfaction à tous les intérêts en souf-france ; il a étudié les moyens les plus pratiques de relier avec nos grands chemins de fer certains centre industriels par trop délaissés et de procurer en même temps aux Parisiens de nouveaux moyens de transport, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la ville.
L’ingénieur n’a pas adopté pour la réalisation de son tracé un système particulier de cons-truction : il a simplement suivi les anciens errements consacrés par l’expérience. Sa ligne passe tantôt à niveau, tantôt en tranchée ou en souterrain, tantôt en viaduc ; sur plusieurs points de son parcours elle emprunte des voies publiques et, se conformant aux idées émises par M. le Directeur des travaux de Paris, l’auteur place son chemin de fer dans l’axe de la voie et lorsque son tracé est à niveau ou en tranchée, il le borde d’une élégante balustrade et décore chaque tête de pont, à la rencontre d’une rue, d’une place, de vasques remplies d’arbustes et de fleurs, rappelant les dispositions si heureusement appliquées au boulevard Richard-Lenoir.
M. Brunfaut a été plus heureux que ses concurrents : son projet a été pris en considéra-tion par le Conseil général de la Seine, par toutes les communes du département et par les Cham-bres de commerce. Il a fait l’objet d’un débat assez vif entre l’administration supérieure et le Con-seil général. Le gouvernement prétendait qu’un chemin de fer conçu dans les conditions que nous venons d’indiquer était d’intérêt général et que passant sous le feu des forts, son exécution relevait de son autorité ; le Conseil général s’appuyant sur la loi de 1865 et sur un avis motivé du conseil des ponts et chaussées, soutenait, au contraire, que ce chemin était d’intérêt local et que, dès lors, sa construction faisait partie de ses prérogatives.
Afin de mettre un terme à cette discussion, commencée en 1872, un ministre, M. Caillaux, a accordé, le 31 décembre dernier, à la Compagnie de l’Ouest, la concession d’une des sections les plus importantes du chemin qui nous occupe : celle allant des Invalides à Courbevoie.
N’est-ce pas là, la consécration la plus éclatante qui ait pu être donnée aux études approfondies de M. Brunfaut !
Ainsi d’ores et déjà, Paris sera doté d’un nouveau chemin de fer pour l’Exposition univer-selle de 1878. Il partira du pont de l’Alma, desservira le champ de Mars et se reliant avec nos grandes lignes, il sera le chemin le mieux approprié aux besoins que va faire naître la grande solennité internationale qui doit s’ouvrir incessamment.

5° Projet de MM. Levalley et Rostand.

D’après les déclarations mêmes des auteurs, ce projet a été dressé sur les données four-nies par M. Mention, directeur du chemin de fer de ceinture.
M. Mention a tracé sur un plan de Paris, ou plutôt sur la carte des itinéraires des omnibus, une ligne plus ou moins grosse, indiquant, suivant son épaisseur, l’importance de la circulation sur les différents points parcourus, puis il imagine des souterrains sans suite destinés à remplacer le service des omnibus.
Que de difficultés à vaincre par l’existence, dans le Paris souterrain qu’on veut animer, du réseau des égouts et des conduites de gaz, sans compter le passage sous la Seine.
La voie sera établie sur les mêmes données que celles qui ont présidé à la construction de nos grandes lignes de chemins de fer, mais d’importantes modifications sont apportées au ma-tériel et au système de traction. M. Mention présente des voitures ayant 2m80 de hauteur au lieu de 4m30, minimum exigé pour les voitures ordinaires de chemin de fer, et dont la caisse est enchâs-sée entre les roues ; cette disposition permet de transporter voyageurs et marchandises dans un boyau souterrain de 8 mètres de largeur et de 3 mètres de hauteur.
Quant à la traction, elle s’opérerait au moyen d’un câble et serait une imitation de ce qui se pratiquait jadis sur le chemin de fer de Saint-Germain.
Ce tunnel d’un nouveau genre ayant ses deux voies tantôt côte à côte, tantôt superpo-sées, n’obtiendra tout au plus qu’un succès de curiosité qui s’éteindra immédiatement le jour où un voyageur passant sans transition de l’air extérieur à la fraîcheur du souterrain gagnera, par ce brusque changement de température, sa première fluxion de poitrine.

6° Projet de M. Bergeron.

Le projet de M. Bergeron repose tout entier sur le principe de la raréfaction de l’air.
Plus de locomotive, plus de câble, l’auteur place en terre un énorme tube en fer dans lequel il fait glisser une voiture sur des rails.
Derrière la voiture vient s’appliquer un disque se mouvant avec un très léger frottement. A l’aide d’une puissante machine pneumatique, on fait le vide dans le tube et wagon, voyageurs et écran arrivent à destination.
Le procédé de M. Bergeron n’est encore qu’à l’état d’essai et il est permis de douter que la réalisation de ce système soit pratique.

7° Projet de MM. Pochet et Lemoine.

Ce projet consiste dans une suite de viaducs métalliques légers qui, placés sur nos voies publiques, permettraient de voyager en admirant les splendeurs de Paris.
L’évaluation des dépenses n’a rien d’excessif.
La traction serait faite à l’aide d’un câble.
Une seule objection s’élève contre ce projet, mais elle est considérable : on se demande ce que
deviendra la valeur des immeubles devant lesquels ce chemin aérien viendra passer et quelle perspecti-ve sera réservée à nos monuments publics.
Tels sont les sept qui ont, en 1872, mérité une mention spéciale de la part de la commission chargée de l’étude des chemins de fer dans Paris.
Depuis lors d’autres projets ont été produits, mais nous n’en connaissons pas suffisamment les détails pour les analyser. Nous devons toutefois mentionner le projet de M. Delcourt.
Cet ingénieur propose d’établir un chemin de fer sous les quais de la rive gauche. Il construit un souterrain contre le mur du quai, qu’il perce de baies nombreuses donnant accès à l’air et à la lumière.
L’idée est bonne, mais M. Delcourt a oublié de tenir compte des débordements de la Seine ; à la moindre crue, le fleuve envahirait le souterrain qui lui offrirait un second lit.

(A suivre.)

Victor Favry


Les moyens de communication dans Paris et la banlieue (suite et fin)
(n° 68, août 1876)

A la suite des événements de 1870-1871, de toutes parts surgit une activité fiévreuse, il sem-blait qu’on avait hâte de réparer nos désastres et, de tous les points de la France, on réclamait la création de nouvelles voies ferrées ; c’était surtout à Paris et dans le département de la Seine que l’établissement de chemins de fer était sollicité avec le plus d’instance. L’administration prit en considération les vœux formulés par les populations, elle fit appel aux compagnies, aux ingénieurs et les invita à se mettre à l’étude. De nombreux projets furent dressés : plusieurs obtinrent des prises en considération de la part des conseils généraux, mais cet engouement se calma bientôt et aucune résolution ne fut prise.
Une situation latente succéda à l’effervescence d’un moment.
Enfin, en 1875, le gouvernement concéda à quelques-unes de nos grandes compagnies la construction de plusieurs lignes de chemins de fer d’intérêt local.
Tandis que beaucoup de nos départements recevaient satisfaction, seul, le département de la Seine et en même temps Paris, la capitale de la France, étaient déshérités.
A quoi tenait cet abandon ?
Il était dû surtout à l’indécision de l’administration : fallait-il concéder à une nouvelle compagnie la construction de voies ferrées dans Paris et sa banlieue ? ou bien, suivant les anciens errements, ne valait-il pas mieux confier l’exécution de ces voies à une ou plusieurs des grandes compagnies dont on viendrait ainsi une fois de plus consacrer le monopole ?
A la fin de 1875, le ministre des travaux publics, M. Caillaux, crut devoir trancher définitivement la question en proposant à l’Assemblée nationale la concession à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest d’une ligne allant des Invalides aux Moulineaux avec prolongement jusqu’à Courbevoie, ainsi qu’un embranchement se détachant du chemin de fer de ceinture à Auteuil et desservant Boulogne.
L’adoption de ce projet remit la question à l’ordre du jour et la perspective d’une Exposition uni-verselle en 1878, vint encore accroître l’intérêt qui s’attachait à la création de voies ferrées dans Paris. Aussi les ingénieurs se remirent à l’œuvre, une commission se rendit à Londres et aujourd’hui il ne s’agit rien moins que de doter la capitale d’un réseau souterrain fort compliqué et dont l’utilité, pour certaines de ses parties, paraît au moins douteuse.
Les nouvelles études ont toutes en vue de relier entre elles les principales gares. La plu-part des tracés proposés suivent les grandes artères : les boulevards de la Madeleine à la Bastille, la rue de Rivoli, la Chaussée-d’Antin, la rue du Quatre-Septembre, la rue de Rome, etc., etc. Quel-ques ingénieurs proposent de passer sous la Seine, d’autres d’établir une gare centrale au Palais-Royal où viendraient converger tous les chemins de fer existants ou à créer.
Certes le sujet est fertile et présente un vaste champ à l’étude et à l’imagination, mais est-on bien sûr d’arriver à l’idéal en établissant des voies ferrées au cœur même de Paris !
Puisqu’on prend pour exemple ce qui se pratique si bien chez nos voisins d’outre-Man-che, il n’est pas sans intérêt de rappeler les considérations qui ont présidé à la construction du Métropolitain anglais.
La population de Londres, si ce n’est pas dans la Cité, est fort peu condensée, aussi n’est-ce pas dans le Strand ou dans Oxford Street qu’on a établi des voies ferrées. On s’est éloigné du centre et c’est à 3 kilomètres de la Tamise, dans les grandes voies de Marylebrone et de Euston-Road, qu’on s’est porté et qu’on a construit jusqu’à King’s Cross la première section du Métropolitain.
Ainsi à Londres, ce n’est pas sous les voies analogues à nos boulevards intérieurs ou à la Rue de Rivoli qu’on a commencé à établir des chemins de fer, mais sous celles qui offrent une certaine ressemblance avec les anciens boulevards extérieurs.
Il serait donc sage, à notre avis, de commencer à desservir par des voies ferrées les quartiers excentriques de Paris en les mettant en rapport avec le centre par des branches qui pénétreraient le plus avant possible.

Conclusion

Il est incontestable aujourd’hui pour tout le monde que les moyens de communication dans Paris sont complètement insuffisants et qu’il devient urgent, surtout en présence de la solennité indus-trielle qui doit avoir lieu en 1878, de donner à cette question qui s’impose fatalement, la solution depuis si longtemps souhaitée :
Résumons les améliorations qui nous paraissent désirables :
Le service des omnibus est aussi complet qu’il peut l’être : tout au plus, pourra-t-on par suite de l’établissement de quelques nouvelles lignes de tramway ou d’un chemin de fer, modifier certains itinéraires et en faire profiter des quartiers déshérités dont les chaussées trop étroites ne permettent pas l’installation d’autres moyens de transport.
Il ne faut pas non plus songer à augmenter la circulation par eau : la Seine possède deux services de bateaux à vapeur et il ne semble plus possible qu’une nouvelle concurrence s’y exercer, sans danger.
L’établissement des tramways a marqué la première étape dans la voie des améliorations. Sur tous les points où ce mode de locomotion est employé, il rend d’immenses services, mais aujourd’hui les voitures des tramways sont devenues trop petites, on a beau multiplier les lignes ou augmenter le nombre de voitures, il y a toujours plus de voyageurs que de places.
Pour remédier à cette insuffisance, on songe à substituer des moteurs mécaniques aux chevaux : plusieurs systèmes ont été expérimentés et ont donné des résultats satisfaisants : l’un emploie l’air comprimé, les autres la vapeur d’eau produite en marche ou emmagasinée dans un récipient et pouvant fournir une certaine course.
La ligne de la gare de Montparnasse au pont d’Austerlitz est déjà pourvue de machines à vapeur et peu à peu, il faut l’espérer, d’autres lignes jouiront des mêmes avantages.
Le public est bien certainement reconnaissant des efforts que fait l’Administration pour améliorer les moyens de communication, mais il faut couronner l’œuvre commencée par la création de chemins de fer.
Nombre de voyageurs attendent impatiemment l’exécution d’une de ces voies ferrées comme on en construit tant dans les localités qui n’ont ni voyageurs, ni trafic et qu’hélas, on oublie trop facilement à Paris, où tout le monde est pressé et aspire à voyager rapidement et à bon marché.
Il faut don aviser et aviser vite, car il est indispensable que les nombreux étrangers que va attirer l’Exposition universelle ne trouvent pas Paris dans une situation d’infériorité avec Londres.
Nous avons donné dans notre dernier numéro une carte des chemins de fer qui paraissent indispensables tant à Paris que dans sa banlieue et nous croyons devoir résumer ci-dessous les tracés indiqués.

      1. Chemin de fer circulaire (projet Brunfaut) desservant un grand nombre de localités de la banlieue et pénétrant dans Paris par trois branches aboutissant à Notre-Dame de Loret-te, place du Château-d’Eau, quai Montebello vis-à-vis Notre-Dame et se reliant avec le tronçon des Invalides à Courbevoie, concédé à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest.
      2. Lignes des anciens boulevards extérieurs (Projet Vauthier modifié) se reliant par l’avenue du Roi-de-Rome et une des avenues projetée dans Passy au chemin de fer d’Auteuil, à la station de Passy. Entre la place du Trône et le pont de Bercy, le tracé abandonne des boulevards pour emprunter l’avenue projetée entre ces deux points, puis reprend les boulevards extérieurs et vient se souder aux abords du champ de Mars, à la ligne concédée à la Compagnie de l’Ouest.
      3. Prolongement du chemin de fer de l’Est jusqu’aux Halles centrales (Projet Brame, Fla-
        chat et Grisot de Passy) en suivant le boulevard Sébastopol.
      4. Enfin, ligne allant de la Villette à la Bastille en empruntant le boulevard Richard-Lenoir. Ce tracé pourrait probablement être relié avec le chemin de fer de Paris à Lyon.

Avec un réseau de voies ferrées tel que nous venons de le décrire, se raccordant sans difficulté avec les lignes des grandes compagnies, on donnerait satisfaction aux aspirations légiti-mes des habitants du département de la Seine. Rappelons toutefois qu’il ne faut pas adopter un mode exclusif de construction : on doit se borner à établir les voies d’après les données de l’expé-rience acquise, soit à niveau, soit en viaduc, soit en souterrain, suivant les difficultés que présen-tera le relief du sol ; il ne faut pas oublier que le succès sera d’autant plus assuré que l’on pourra offrir aux voyageurs l’air et le soleil.
Quelle que soit la décision de l’Administration, espérons que, cette fois, la question rece-vra une solution conforme aux désirs des populations : tout nouvel ajournement ne pourrait s’inter-préter que comme une renonciation pure et simple de jamais doter Paris et sa banlieue de chemins de fer.
Tel ne sera pas, nous en sommes convaincu le résultat des études approfondies de nos ingénieurs et de nos administrateurs.

Victor Favry

28 juin 2019

H.G. Wells [Les Pirates de la mer & autres nouvelles] : La Tentation d'Harringay

Ah que coucou !

Harringay est un artiste peintre qui a décidé de peindre la Ferveur mais voilà, l'image qu'il termine ne reflète pas l'esprit de "ferveur"... mais plutôt l'image d'un "diable"... dont la bouche forme des sons et lui parle. Que lui dit son tableau ? eh bien vous le saurez en lisant la courte nouvelle suivante :

accessible à la lecture / téléchargement en cliquant ici
Format : pdf
Langue : Français

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab

26 juin 2019

Ivan Turguenev [Récits d'un Chasseur] : Kassian de la Krassivaïa Metcha

Ah que coucou !

Kassian de la Krassivaïa Metcha est un vieil homme bien étrange... si étrange qu'on le surnomme Bolkha (= la puce). Toutefois sous ses airs un peu "bourrus" on sent un homme fort intelligent et compatissant...
C'est suite à un essieu cassé que le narrateur s'arrête chez lui pour lui demander "de l'aide" (à savoir : un essieu de rechange), malheureusement il n'en a pas et il mène donc le narrateur à quelques kilomètres de là afin qu'il puisse en payer un neuf et le rapporter à son cocher... Lors du trajet le narrateur parvient à le faire parler et il apprend ainsi que Bolkha n'aime pas qu'on tue les oiseaux de la forêt...

accessible à la lecture / téléchargement en cliquant ici
Format : pdf
Langues : Français & Russe

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab

24 juin 2019

Exposition universelle 1878 : La Guillotine à l'Exposition

Ah que coucou !

Lors de cette exposition universelle de 1878 il a été question d'exposer notre guillotine afin de confronter notre façon de faire avec celle habituelle dans les autres pays... mais cela n'a pu se faire car l'Administration a jugé que cela n'intéresserait pas le public tout en trouvant "indescent" la présence d'un tel objet dans une exposition, à raison ou à tort, à chacun son opinion...

Mais au fait, la Guillotine, qu'en connaissons-nous, nous, Français de la fin du 20e et début du 21e siècle ?
Ben... ce qu'on a appris à l'école ;)... mais voilà... est-ce la vérité quand on constate déjà qu'on nous a obligé à croire que les assassins de masse de l'équipe Robespierre sont des héros de la Révolution (cf. La Vie et les Crimes de Robespierre et de ses principaux complices, accessible à partir de ce blog en cliquant ici) ? et que nous devions leur ériger des statues ?? Or, vous vous apercevrez en lisant les articles édités en 1878 (au dessous de ma signature) que... ben... même là, on nous a enseigné des "erreurs", consciemment ou inconsciemment, là est la question principale... et nous devons remercier le ciel que les cours d'histoire ne sont plus "obligatoires"... ainsi nos descendants auront la possibilité d'apprendre la Vérité et non leurs Mensonges et leur bourrage de crâne pour plaire à ces extrémistes qui rêvent de suivre les traces de tous ces Assassins de masse qu'on nous a fait glorifier !!

Bon, là, leur "erreur" ne porte pas trop à conséquence ;)... et prouve plutôt qu'en tant qu'historiens ils ne vérifient jamais les informations, bref, qu'ils ne font pas correctement le boulot pour lequel ils sont payés... parce que sinon... ben... ils auraient découvert dans les paroles des chansonniers de 1792, par exemple, quelques informations précieuses concernant un incident survenu à M. Guillotin à l'Assemblée, lors du débat concernant les exécutions et qui est à l'origine de "ce" quiproquo ;) mdrr ! et rappelé dans le premier des 2 articles ci-dessous...

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab

Source des 2 articles : le journal Exposition universelle 1878, n° 94 et n° 158...


n°94
Septembre 1877





Plus nous approchons de l’époque où doit s’ouvrir l’Exposition, plus l’industrie se met en mouvement, plus chacun s’ingénie à trouver quelque chose qui soit de nature à attirer les regards des passants et à les retenir.
Parmi les projets mis en avant, il en est plus d’un excentrique ; mais la plupart, sous leur folle apparence, peuvent à la rigueur se justifier. Ainsi, par exemple, voici un mécanicien de New-York qui se propose d’envoyer, pour être exposé, un nouveau système de guillotine mécanique. Il est probable que la commission d’admission refusera de produire en public ce système, et pourtant ne trouvez-vous pas que, dans un pays comme la France où la peine de mort existe, une exhibition de ce genre aurait sa logique ?
Du moment où cette peine est admise, on doit en effet rechercher tous les moyens possibles d’abréger, de supprimer même les souffrances des condamnés ; partout le perfectionnement ds instrument d’exécution devient une œuvre digne d’encouragement et leur exposition un acte de justice. En comparant notre guillotine à la potence anglaise, à la garotte espagnole, au pal asiatique, au knout russe, au sabre japonais, on trouverait que nous ne sommes, à coup sûr, pas en retard, et l’on pourrait voir, dans ce parallèle, une sorte de contre-épreuve de l’état social de chaque peuple, ce revers de la médaille de chaque civilisation.
Une exposition rétrospective ne manquerait pas davantage d’intérêt et l’on pourrait ainsi se rendre compte d’une façon précise des progrès accomplis dans ce lugubre ordre d’idées.
Il ne faudrait pas croire, en effet, que la guillotine soit d’invention moderne. Les Allemands qui revendiquent la priorité de son invention, prétendent en avoir fait usage dès le troisième siècle. D’autre part, la législation de la ville hollandaise de Dendermonde fait mention de ce mode de décapitation ; enfin les chroniques de Jean d’Autun nous racontent en ces termes une exécution qui eut lieu à Gênes le 13 mai 1507 :
« Le bourreau print une corde, à laquelle corde tenait attaché un gros bloc à tout une doulouère tranchante entée dedans, venant d’amon entre deux posteaux et tira ladite corde, en manière que le bloc tranchant à celui genevois tomba entre la teste et les épaules, si que la teste alla d’un côté et le corps de l’autre. »
Les Génois appelaient cet instrument Mannaia.
En 1632, il y eut à Toulouse une exécution analogue, celle de Montmorency, dans laquelle on fit usage de la Mannaia. « Le patient, dit un chroniqueur du temps, se fit jeter une corde sur les bras et s’en alla à son échafaud, sur lequel il entra par une fenêtre, car en ce pays-là, on se sert d’une doloire qui est entre deux morceaux de bois, et quand on a la tête posée sur le bloc, on lâche la corde et cela descend et sépare la tête du corps. »
La guillotine existait donc bien avant la Révolution, et, lorsque le docteur Guillotin vint demander à l’Assemblée d’adopter cette machine pour garantir l’égalité des supplices et abréger les souffrances du patient, il ne proposa pas un instrument nouveau, mais bien un genre de décapitation à l’aide d’une machine. Ce qui contribua à accréditer la légende qu’il était l’inventeur de cette machine, ce fut la façon dont il s’exprima sur son compte à la tribune. Il insistait sur la nécessité d’épargner au condamné les lenteurs, les incertitudes et les maladresses des bourreaux. Répondant à une objection, il s’écria sans trop prendre garde à ce qu’il disait : « Avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin d’œil, et sans que vous éprouviez la moindre douleur. » Il y eut à l’Assemblée une explosion de rire, et comme, en France, on rit de tout, on se divertit fort de cette sortie et l’instrument se trouva baptisé, avant même d’avoir été adopté, du nom du pauvre docteur qui en parlant de sa machine, voulait simplement dire la la machine que l’on adoptera.
On composa même sur cet incident une chanson assez drôle, que nous trouvons dans un journal royaliste du temps, les Actes des Apôtres. La voici :

Guillotin,
Médecin,
Politique,
Imagine un beau matin
Que pendre est inhumain
Et peu patriotique.
Aussitôt
Il lui faut
Un supplice
Qui sans corde ni poteau
Supprime du bourreau
L’offre.
C’est en vain que l’on publie
Que c’est pure jalousie
D’un suppôt
Du tripot
D’Hippocrate,
Qui d’occire impunément
Même exclusivement
Se flatte
Le Romain
Guillotin
Qui s’apprête,
Consulte gens du métier,
Barnave et Chapelier.
Même ce coupe-tête.
Et sa main
Fait soudain
La machine
Qui simplement nous tuera,
Et que l’on nommera
Guillotine.

Ce sujet funèbre excita la verve d’autres chansonniers qui trouvèrent plaisant de rimailler sur ce lugubre sujet.
Pour en revenir à la date de l’adoption de la guillotine en France, comme instrument obligatoire des exécutions capitales, disons qu’elle remonte au 20 mars 1792. L’Assemblée, préoccupée d’abréger la durée du supplice, s’adressa au célèbre chirurgien Luis, secrétaire au collège des chirurgiens, et lui demanda une consultation motivée, sur la question de savoir comment, et par quels moyens, on pouvait rapidement trancher la tête aux condamnés. Le docteur Louis rédigea cette consultation, et en donna lecture à l’Assemblée le 20 mars 1792. « Personne n’ignore, y disait-il, que les instruments tranchants n’ont que peu ou point d’effet, lorsqu’ils frappent perpendiculairement. En les examinant au microscope, on sait qu’ils ne sont que des scies plus ou moins fines, qu’il faut faire agir en glissant sur le corps à diviser. On ne réussirait pas à décapiter d’un seul coup avec une hache ou une couperet dont le tranchant serait en ligne droite ; mais avec un tranchant connexe, comme aux anciennes haches d’armes, si le coup assené n’agit perpendiculairement qu’au milieu du cercle. L’instrument, en pénétrant dans sa continuité les parties qu’il divise, a sur les côté une action oblique en glissant, et atteint sûrement le but. » Adoptant ensuite l’idée de Guillotin, le docteur Louis affirmait que, pour être certain d’une exécution, il ne fallait pas qu’elle fût l’œuvre d’un homme, mais d’une mécanique dont il proposa l’adoption et qu’il avait fait construire par un Allemand, nommé Schmidt et expérimenter à Bicêtre, sur des animaux et des cadavres.
L’instrument fut adopté et désigné cette fois sous le nom de Louisette : mais le mot Guillotine avait fait fortune ; les chansonniers, comme nous l’avons vu plus haut, l’avaient mis à la mode, et c’est celui-là qui est resté, qui est devenu technique, officiel, consacré.
La guillotine fonctionna pour la première fois le 25 avril 1792. La patient était un bandit de grand chemin, nommé Nicolas-Jacques Pelletier.
Nous ne donnerons pas ici la description de cet instrument, que la gravure a maintes fois reproduit, et que M. Maxime Ducamp a décrit dans ses plus petits détails. Ajoutons seulement que, dans ces derniers temps, M. de Paris a apporter de notable modifications. Est-ce à dire que l’instrument soit parfait ? Nous ne le croyons pas, et c’est pourquoi, en attendant que la peine de mort ait disparu, il ne serait pas mauvais qu’on pût voir exposé les divers modèles de toutes les guillotines aujourd’hui employées.

L. de FRESNES.





n°158
Septembre 1878





La guillotine, à l’Exposition, a valu aux lecteurs du journal un article de l’un de ses collaborateurs dans le n° 94 ; nous y revenons aujourd’hui.
Un grand forfait vient d’être puni ; il s’agissait de deux misérables, ayant reçu une éducation complète, qui avaient assassiné une pauvre marchande de lait.
La Cour d’assises avait prononcé la peine de mort ; elle appliquait la loi qui a conservé de nos anciennes coutumes la peine du talion.
La justice n’exécute, c’est le pouvoir exécutif qui s’en charge, c’est le chef de l’Etat, empereur, roi ou président de la république, qui fera infliger la mort.
Il était intéressant pour les lecteurs du journal de découvrir si parmi les objets exposés au Champ-de-Mars ou au Trocadéro, on y rencontrait des moyens, des machines, des engins à employer ou employés pour mettre à mort, le mieux et le plus convenable.
Nos recherches ont été infructueuses, et l’Exposition ne renferme aucun de ces objets, pas plus dans les galeries des pays les plus civilisés que dans ceux qui le sont moins.
Cependant, disons que s’il n’y a pas d’engins, on trouve, dans les galeries, des beaux-arts, des tableaux splendides, où les plus friands de ces spectacles, peuvent y trouver des jouissances infinies. Tel est le Triomphe de Néron.
Cette absence de machines est fâcheuse ; il aurait été possible de faire un congrès sur la question, de discuter avec les gens du métier, avec les visiteurs de la place de la Roquette, si la guillotine est parfaite, si les modifications apportées par M. Roch sont bien établies, et si oui ou non on doit revenir à la pendaison comme en Angleterre, au garrot comme à Madrid, à la décapitation comme en Allemagne, aux distractions de Néron, ou enfin, comme le Figaro le propose, à l’emploi de l’électricité.
Les plus beaux esprits de notre époque paraissent être d’accord sur ce point :
C’est que ces spectacles n’intéressent pas le pauvre monde, les illettrés, qu’en conséquence, la peine de mort ne leur dit rien, ne leur donne aucun exemple salutaire, alors qu’il paraît être des plus instructifs et des plus moralisateurs pour l’autre partie de la société.

Jules BRUNAUT.