Aujourd'hui, pour des raisons de droits d'auteur, je ne peux vous proposer l'ouvrage suivant en téléchargement gratuit :
Toutefois je vais vous donner envie de le découvrir...
Pour nous, qui ne sommes pas musulmans, il est aussi très riche d'enseignements question historique, et nous met dans une position, en tant que lecteur, que certains (= les racistes) pourront avoir des difficultés à supporter car, nous, nous sommes dans le camp des "méchants" ;). Toutefois la neutralité de l'auteur ne nous donne pas envie, nous, de repartir en croisade ;) mdrr ! et nous permet de réfléchir sur les déviations que l'homme fait de la religion et du nom de Dieu afin d'assouvir ses ambitions personnelles. Oui, car les croisades, qu'est-ce qu'elles étaient ? une tromperie pseudo-religieuse visant à accroître le territoire d'abord de l'Empereur grec. Oui, nos ancêtres ont été manipulés au nom de Dieu, comme le sont aujourd'hui quelques-uns des participants aux tueries de masse... et au nom de Dieu ils ont cru avoir le droit de se comporter tels des porcs (viols, pillages, usurpations, spoliations... même envers des autres chrétiens : coptes, orthodoxes)... au nom de Dieu, ils ont même été jusqu'à attaquer et piller des villes portuaires grecques afin que les Vénitiens puissent être les seigneurs de la Méditerranée... ce qui nous invite à penser à tout ce qu'on peut faire faire aux gens au nom de Dieu, alors que la religion énonce tout le contraire dans ses préceptes, dans ses commandements, dans sa philosophie...
Cependant, alors que nous, Chrétiens, semblons avoir fait cette remise en question qui nous a permis d'avancer, l'auteur reconnaît que ce travail de fond n'a pas été fait par les musulmans, même ceux des années 80 et, de ce fait, a prévenu des risques que cela comportait pour la religion musulmane... passage important que je vous mets au-dessous de ma signature et qui n'est autre que l'épilogue de cette œuvre.
En
apparence, le monde arabe venait de remporter une victoire éclatante.
Si l’Occident cherchait, par ses invasions successives, à contenir
la poussée de l’islam, le résultat fut exactement inverse. Non
seulement les Etats francs d’Orient se retrouvaient déracinés
après deux siècles de colonisation, mais les musulmans s’étaient
si bien repris qu’ils allaient repartir, sous le drapeau des Turcs
ottomans, à la conquête de l’Europe même. En 1453,
Constantinople tombait entre leurs mains. En 1529, leurs cavaliers
campaient sous les murs de Vienne.
Ce
n’est, disions-nous, que l’apparence. Car, avec le recul
historique, une constatation s’impose : à l’époque des
croisades, le monde arabe, de l’Espagne à l’Irak, est encore
intellectuellement et matériellement le dépositaire de la
civilisation la plus avancée de la planète. Après, le centre du
monde se déplace résolument vers l’ouest. Y a-t-il relation de
cause à effet ? Peut-on aller jusqu’à affirmer que les
croisades ont donné le signal de l’essor de l’Europe occidentale
- qui allait progressivement dominer le monde - et sonné le glas de
la civilisation arabe ?
Sans
être faux, un tel jugement doit être nuancé. Les Arabe
souffraient, dès avant les croisades, de certaines « infirmités »
que la présence franque a mises en lumière et peut-être aggravées,
mais qu’elle n’a pas créés de toutes pièces.
Le
peuple du Prophète avait perdu, dès le IXe siècle, le
contrôle de sa destinée. Ses dirigeants étaient pratiquement tous
des étrangers. De cette multitude de personnages que nous avons vus
défiler au cours de deux siècles d’occupation franque, lesquels
étaient arabes ?
Les
chroniqueurs, les cadis, quelques roitelets locaux - Ibn Amman, Ibn
Mouqidh - et les impuissants califes ? Mais les détenteurs
réels du pouvoir et même les principaux héros de la lutte contre
les Franj - Zinki, Noureddin, Qoutouz, Baibars, Oalaoun - étaient
turcs ; Al-Afdal, lui, était arménien ; Chirkouh,
Saladin, Al-Adel, Al-Kamel étaient kurdes. Bien entendu, la plupart
de ces hommes d’état étaient arabisés culturellement et
affectivement, mais n’oublions pas que nous avons vu en 1134 le
sultan Massoud discuter avec le calife Al-Moustarchid par
l’intermédiaire d’un interprète, parce que Seldjoukide,
quatre-vingts ans après la prise de Baghdad par son clan, ne parlait
toujours pas un mot d’arabe. Plus grave encore : un nombre
considérable de guerriers des steppes, sans aucun lien avec les
civilisations arabes ou méditerranéennes, venaient régulièrement
s’intégrer à la caste militaire dirigeante. Dominés, opprimés,
bafoués, étrangers sur leur propre terre, les Arabes ne pouvaient
poursuivre leur épanouissement culturel amorcé au VIIe
siècle. Au moment de l’arrivée des Franj ils piétinaient déjà,
se contentant de vivre sur les acquis du passé. Et
s’ils étaient encore nettement en avance sur ces nouveaux
envahisseurs dans la plupart des domaines, leur déclin était
amorcé.
Seconde
« infirmité » des Arabes, qui n’est pas sans lien avec
la première, c’est leur incapacité à bâtir des institutions
stables. Les Franj, dès leur arrivée en Orient, ont réussi à
créer de véritables Etats. A Jérusalem, la succession se passait
généralement sans heurts ; un conseil du royaume exerçait un
contrôle effectif sur la politique du monarque et le clergé avait
un rôle reconnu dans le jeu du pouvoir. Dans les Etats musulmans,
rien de tel. Toute monarchie était menacée de la mort du monarque,
toute transmission du pouvoir provoquait une guerre civile. Faut-il
rejeter l’entière responsabilité de ce phénomène sur les
invasions successives, qui remettaient constamment en cause
l’existence même des Etats ? Faut-il incriminer les origines
nomades des peuples qui ont dominé cette région, qu’il s’agisse
des Arabes eux-mêmes, des Turcs ou des Mongols ? On ne peut,
dans le cadre de cet épilogue, trancher une telle question.
Contentons-nous de préciser qu’elle se pose toujours, en des
termes à peine différents, dans le monde arabe de la fin du XXe
siècle.
L’absence
d’institutions stables et reconnues ne pouvait être sans
conséquences pour les libertés. Chez les Occidentaux, le pouvoir
des monarques est régi, à l’époque des croisades, par des
principes qu’il est difficile de transgresser. Oussama a remarqué,
lors d’une visite au royaume de Jérusalem, que « lorsque les
chevaliers rendent une sentence, celle-ci ne eut être modifiée ni
cassée par le roi ». Encore plus significatif est ce
témoignage d’Ibn Jobair aux derniers jours de son voyage en
Orient :
En
quittant Tibnin (près de Tyr), nous avons traversé une suite
ininterrompue de fermes et de villages aux terres efficacement
exploitées. Leurs habitants sont tous musulmans, mais ils vivent
dans le bien⁻être avec les Franj - que Dieu nous préserve contre
les tentations ! Leurs habitations leur appartiennent et tous
leurs biens leur son laissés. Toutes les régions contrôlées par
les Franj en Syrie sont soumises à ce même régime : les
domaines fonciers, villages et fermes sont restés aux mains des
musulmans. Or le doute pénètre dans le cœur d’un grand nombre de
ces hommes quand ils comparent leur sort à celui de leurs frères
qui vivent en territoire musulman. Ces derniers souffrent, en effet,
de l’injustice de leurs coreligionnaires alors que les Franj
agissent avec équité.
Ibn
Jobair a raison de s’inquiéter, car il vient de découvrir, sur
les routes de l’actuel Liban Sud, une réalité lourde de
conséquences : même si la conception de la justice chez les
Franj présente certains aspects qu’on pourrait qualifier de
« barbares », ainsi qu’Oussama l’a souligné, leur
société a l’avantage d’être « distributrice de droits ».
La notion de citoyen n’existe certes pas encore, mais les féodaux,
les chevaliers, le clergé, l’université, les bourgeois et même
les paysans « infidèles » ont tous les droits bien
établis. Dans l’Orient arabe, la procédure des tribunaux est plus
rationnelle ; néanmoins, il n’y a aucune limite au pouvoir
arbitraire du prince. Le développement des cités marchandes, comme
l’évolution des idées, ne pouvait qu’en être retardé.
La
réaction d’Ibn Jobair mérite même un examen plus attentif. S’il
a l’honnêteté de reconnaître des qualités à « l’ennemi
maudit », il se confond ensuite en imprécations, estimant que
l’équité des Franj et leur bonne administration constitue un
danger mortel pour les musulmans. Ceux-ci ne risquent-ils pas en
effet de tourner le dos à leurs coreligionnaires - et à leur
religion - s’ils trouvaient le bien-être dans la société
franque ? Pour compréhensible qu’elle soit, l’attitude du
voyageur n’en est pas moins symptomatique d’un mal dont souffrent
ses congénères : tout au long des croisades, les Arabes ont
refusé de s’ouvrir aux idées venues d’Occident. Et c’est là,
probablement, l’effet le plus désastreux des agressions dont ils
ont été les victimes. Pour l’envahisseur, apprendre la langue du
peuple conquis est une habileté, pour ce dernier, apprendre la
langue du conquérant est une compromission, voire une trahison. De
fait, les Franj ont été nombreux à apprendre l’arabe alors que
les habitants du pays, à l’exception de quelques chrétiens, sont
demeurés imperméable aux langues des Occidentaux.
On
pourrait multiplier les exemples, car, dans tous les domaines, les
Franj se sont mis à l’école arabe, aussi bien en Syrie qu’en
Espagne ou en Sicile. Et ce qu’ils y ont appris était
indispensable à leur expansion ultérieure. L’héritage de la
civilisation grecque n’aura été transmis à l’Europe
occidentale que par l'intermédiaire des Arabes, traducteurs et
continuateurs. En médecine, en astronomie, en chimie, en géographie,
en mathématiques, en architecture, les Franj ont tiré leurs
connaissances des livres arabes qu’ils ont assimilés, imités,
puis dépassés. Que de mots en portent le témoignage : zénith,
nadir, azimut, algèbre, algorithme, ou plus simplement « chiffre ».
S’agissant de l’industrie, les Européens ont repris, avant de
les améliorer, les procédés utilisés par les Arabes pour la
fabrication du papier, le travail du cuir, le textile, la
distillation de l’alcool et du sucre - encore deux mots empruntés
à l’arabe. On ne peut non plus oublier à quel point l’agriculture
européenne s’est elle aussi enrichie au contact de l’Orient :
abricots, aubergines, échalotes, oranges, pastèques… La liste des
« arabes » est interminable.
Alors
que pour l’Europe occidentale l’époque des croisades était
l’amorce d’une véritable révolution, à la fois économique et
culturelle, en Orient, ces guerres saintes allaient déboucher sur de
longs siècles de décadence et d’obscurantisme. Assailli de toutes
parts, le monde musulman se recroqueville sur lui-même. Il est
devenu frileux, défensif, intolérant, stérile, autant d’attitudes
qui s’aggravent à mesure que se poursuit l’évolution
planétaire, par rapport à laquelle il se sent marginalisé. Le
progrès, c’est désormais l’autre. Le modernisme, c’est
l’autre. Fallait-il affirmer son identité culturelle et religieuse
en rejetant ce modernisme que symbolisait l’Occident ?
Fallait-il, au contraire, s’engager résolument sur la voie de la
modernisation en prenant le risque de perdre son identité ? Ni
l’Iran, ni la Turquie, ni le monde arabe n’ont réussi à
résoudre ce dilemme ; et c’est pourquoi aujourd’hui encore
on continue d’assister à une alternance souvent brutale entre des
phases d’occidentalisation forcée et des phases d’intégrisme
outrancier, fortement xénophobe.
A
la fois fasciné et effrayé par ces Franj qu’il a connus barbares,
qu’il a vaincus mais qui, depuis, ont réussi à dominer la Terre,
le monde arabe ne peut se résoudre à considérer les croisades
comme un simple épisode d’un passé révolu. On est souvent
surpris de découvrir à quel point l’attitude des Arabes, et des
musulmans en général, à l’égard de l’Occident, reste
influencée, aujourd’hui encore, par des événements qui sont
censés avoir trouvé leur terme il y a sept siècles.
Or,
à la veille du troisième millénaire, les responsables politiques
et religieux du monde arabe se réfèrent constamment à Saladin, à
la chute de Jérusalem et à sa reprise. Israël est assimilé, dans
l’acceptation populaire comme dans certains discours officiels, à
un nouvel Etat croisé. Des trois divisions de l’Armée de
libération palestinienne, l’une porte encore le nom de Hittin et
une autre celui d’Ain Jalout. Le président Nasser du temps de sa
gloire, était régulièrement comparé à Saladin qui, comme lui,
avait réuni la Syrie et l’Egypte - et même le Yémen ! Quant
à l’expédition de Suez en 1956, elle fut perçue, à l’égal de
celle de 1191, comme une croisade menée par les Français et les
Anglais.
Il
est vrai que les similitudes sont troublantes. Comment ne pas penser
au président Sadate en écoutant Sibt Ibn Al-Jawzi dénoncer, devant
le peuple de Damas, la « trahison » du maître du Caire,
Al-Kamel, qui a osé reconnaître la souveraineté de l’ennemi dans
la Ville Sainte ? Comment distinguer le passé du présent quand
il s’agit de la lutte entre Damas et Jérusalem pour le contrôle
du Golan ou de la Bekaa ? Comment ne pas demeurer songeur en
lisant les réflexions d’Oussama sur la supériorité militaire des
envahisseurs ?
Dans
un monde musulman perpétuellement agressé, on ne peut empêcher
l’émergence d’un sentiment de persécution, qui prend, chez
certains fanatiques, la forme d’une dangereuse obsession :
n’a-t-on pas vu, le 13 mai 1981, le Turc Mehemet Ali Agca tirer sur
le pape après avoir expliqué dans une lettre : J’ai
décidé de tuer Jean-Paul II, commandant suprême des croisés.
Au-delà de cet acte individuel, il est clair que l’Orient arabe
voit toujours dans l’Occident un ennemi naturel. Contre lui, tout
acte hostile, qu’il soit politique, militaire ou pétrolier, n’est
que revanche légitime. Et l’on ne peut douter que la cassure entre
ces deux mondes date des croisades, ressenties par les Arabes,
aujourd’hui encore, comme un viol.