22 juin 2019

Eugène Brunel : Pluie de viande du Kentucky

Ah que coucou !

Non, aujourd'hui pas de e-book ;)... mais un petit rappel historique sur un fait bien étrange survenu dans la ville de Bowling Green (USA, Kentucky) courant 1876. Pourquoi ? peut-être pour vous rappeler que nous ne devons pas nous précipiter avant de juger quoi que ce soit, même quand nous en sommes les témoins privilégiés... il faut toujours avoir l'esprit clair pour réfléchir et non pas être "sous pression" (surtout médiatique) où il est facile de nous manipuler et de nous faire croire des énormes bêtises.

Les faits :

Fin du 19e siècle, la population locale de Bowling-Green est étonnée de découvrir une plante qui se met à pulluler. Cette plante est comestible et ceux qui y ont goûté décrivent son goût comme étant un végétal avec un goût de viande (surtout que la dite-plante est de couleur chaire).
Se conservant mal, il est difficile de la transporter à l'Est, dans un laboratoire afin de savoir d'où elle vient et qu'est-ce que c'est réellement...

Cette nouvelle a défrayé les chroniques aux USA pendant un temps... et lors de la préparation de l'Exposition universelle de 1878 elle arrive sur le sol français.

Vrai ou faux ? chacun (en France, parmi ceux qui en a entendu parler) a sa propre idée... jusqu'à ce qu'arrive le contenu de l'article paru dans le Scientific American du 1er juillet 1876 qui explique scientifiquement l'étrangeté de la chose... c'est ce que nous propose, dans son article, de nous narrer Eugène Brunel (article ci-dessous).

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab

La pluie de viande du Kentucky


Une grande rumeur s’est faite il y a quelques mois en Amérique autour d’un phénomène étrange, qui a été rapporté par plusieurs journaux européens, la plupart en le considérant comme une invention fantaisiste.
Le fait était constant et attesté par de nombreux témoins, qui avaient mangé et même savouré la viande tombée du ciel, dans une large plaine, aux environs de Bowling-Green (Etat du Kentucky), qui en fut littéralement couverte.
Cette chair, que ceux qui l’ont trouvée et mangée on assimilée aux chairs très cuites de la tortue, de la grenouille ou du poussin, ou encore à celle de la jeune caille (ce qui ferait que la caille qui tombe toute rôtie dans la bouche n’est pas un conte de fées), cette chair, disons-nous, peut-être, d’après les naturaliste américains qui l’ont examinée, plus scientifiquement définie comme une substance gélatineuse très homogène et douée de propriétés sapides et nutritives.
Recueillie fraîche tombée, elle a l’aspect d’une gelée de viande incolore ou légèrement colorée d’une teinte jaune ou rosée, carminée, pour mieux dire. Mais rapidement dépouillée de ses principes aqueux, elle devient plus concrète, se racornit et finit par se réduire en poussière et disparaître entièrement.
Celle qui a été apportée à New-York a été conservée dans la glycérine, mais on s’accorde à reconnaître que ce moyen n’a pas été assez efficace pour la préserver de toute altération, et qu’en conséquence, le monde savant n’a pas été à même d’étudier cette curieuse substance dans son état natif complet.
Qu’est-ce don que cette manne nouvelle, d’origine mystérieuse et d’une nature si incontestablement précieuse, que sa récolte, en avril dernier, a été absorbée en quelques heures, avec une avidité instinctive, tant par les hommes que par les animaux, quoiqu’elle couvrit une large surface de plusieurs milles de longueur dans la plaine de Bowling-Green ?
Telle est la question qui a préoccupé bien des esprits depuis trois mois, et dont la solution nous arrive par le Scientific American du 1er juillet courant :
En 1537... (sans remonter au déluge ou seulement à Moïse), l’alchimiste Paracelse lorsqu’il poursuivait la recherche de son élixir de longue vie, trouva un jour une masse végétale d’une apparence étrange à laquelle il attribua, non sans raison, des vertus précieuses ; car cette substance par lui découverte et baptisée du nom de Nostoc, est non seulement comestible, mais encore médicale et même souveraine contre les scrofules et les ulcères.
Depuis Paracelse, le Nostoc est resté ce qu’il était : une production spontanée de la nature que l’homme n’a pas réussi ou n’a pas cherché (dans ce cas à tort) à développer.
Le Nostoc appartient à la famille des conferves [Terme de botanique – Nom générique de certaines plantes aquatiques de la famille des algues qui sont capillaires, simples ou cloisonnées. (Source : Le Littré)], et la botanique ne compte pas moins de cinquante espèces ; deux ou trois ont été classée à l’état de fossile.
Les conferves consistent plus ou moins sensiblement en une masse transparente, gélatineuse, tenue par des filaments tubulaires contenant la substance séminale, ce qui constitue pour ces végétaux une grande facilité de reproduction, par pur propre division aussi bien que par la germination de la semence.
La semence, dégagée de la substance gélatineuse, lorsque celle-ci se dessèche, est emportée par le vent, qui la dépose souvent très loin de son origine. Si elle tombe dans un lieu favorable à sa germination, elle s’y développe avec une extrême rapidité, comme toutes les existences éphémères. C’est ainsi qu’une nuée de semence de Nostoc s’abattant dans la vallée de Bowling-Green et recevant une pluie fécondante, a produit cette abondante récolte, que les habitants du pays ont pu ainsi naturellement croire tombée du ciel.
La nouvelle manne a été, en effet, identifiée par le docteur Brandeis comme étant le Nostoc carneum, nostoc couleur de chair, qui se trouve en abondance dans les Indes orientales (d’où celui-ci est peut-être venu à travers les mers) et en Chine où il est un des principes constituants de la soupe aux nids d’hirondelles.
Quoi qu’il en soit, la production du Nostoc carneum aussi considérable sur un même point, où il ne croît pas ordinairement, mais où il a été la conséquence d’un phénomène météorologique, ne reste pas moins un fait digne de remarque, puisque ‘est probablement la première fois qu’il se renouvelle en telle abondance depuis Moïse, qui put croire sincèrement la manne tombée du ciel à sa prière, puisque trois mille ans plus tard on convaincrait encore difficilement la plupart des convives du festin du Kentucky que leur manne a une autre origine.

Eugène BUREL.
Exposition universelle illustrée, n°67, aout 1876.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire