Je
suis actuellement en train de lire L’Eté de 1936 écrit par
Bertrand Poirot-Delpech (accessible prochainement à partir de ce blog) dans
lequel on parle aussi de la lutte des classes. Justement de quoi s’agit-il exactement
dans une société où la règle d’or pour survivre est de s’unir pour avoir les
meilleures chances… D’abord étudions ce que signifie « classes sociales ».
Pour ce faire, regardons ensemble le Dictionnaire économique et social, édité
par Hatier.
Peu de
notions sont d’usage aussi courant et contradictoire que celle de classes
sociales ; pourtant chacun peut constater une série de faits empiriques
qui témoignent d’une réalité reconnue par tous, mais interprétée différemment.
Une
réalité visible pour des enfants
Célia Stendler,
analysant les enfants de Brasstown en 1949, les a soumis à un « test d’image »,
à partir de photo découpées dans des journaux et mettant en scène des moments
de la vie quotidienne. Les questions, posées à des enfants de six et huit ans,
montrent qu’ils répondent très rapidement avec exactitudes au jeu de « devinez
qui ? » si on leur demande :
- Qui a le
plus d’argent à dépenser ?
- Qui a
une bonne pour l’aider à la maison… ?
Signes
sociaux, perceptions des revenus, des styles de vie, privilèges divers relatifs
aux classes sont décelés très tôt. L’enfant perçoit l’existence d’une
stratification.
La
Stratification
La stratification
est « l’inégale distribution des droits et des privilèges, devoirs et
responsabilités, gratifications et privations, pouvoir social et influence
parmi les membres d’une société » (Sorokin, Social and cultural mobility)
La
reconnaissance de différences est le fait de tous les sociologues : différences
de revenus, de patrimoine, de pouvoir, de prestige, de culture… et de place
dans la production.
Il est
possible de définir les groupes sociaux présentant une certaine cohérence
vis-à-vis de l’organisation sociale.
Groupes sociaux
« Le groupe
est une utilité réelle, mais partielle, directement observable et fondée sur
des attitudes collectives, continues et actives, ayant une œuvre comme à
accomplir, unit d’attitudes, d’œuvres et de conduites qui constitue un cadre
social structurable t tendant vers une cohésion relative des manifestations de
la sociabilité » (G. Gurvitch)
Groupe de référence et d’appartenance
Le groupe
d’appartenance est celui auquel l’individu appartient ; le groupe
de référence est celui auquel l’individu s’identifie, emprunte ses
normes et ses valeurs.
Terminologie
non marxiste
Les classes
sont des groupes d’individus présentant une certaine homogénéité par rapport à
certains critères essentiels (profession, revenus, types d’habitation, prestige
social, pouvoir…), qui partagent des valeurs et des normes orientant leur
pratique et leur conscience sociale.
Si les
classes se différencient et s’ordonnent, elles
ne sont pas considérées comme fondamentalement opposées, même si des
rivalités et des conflits peuvent les diviser.
Certains
sociologues utilisent le nom de strate
plutôt que celui de classe sociale pour ce type de classification. Une strate
en général est un sous-ensemble de la population totale présentant pour un
critère ou un ensemble de critères une position semblable.
L’approche américaine
De façon
générale, la sociologie américaine a plutôt développé les études empiriques,
alors que traditionnellement la sociologie européenne a privilégié les analyses
théoriques de la notion de classe. A titre d’exemple, on peut citer la démarche
de Warner aux Etats-Unis, étudiant la population de Yankee-City et l’approche
de Weber des classes sociales.
Warner étudie
la situation des habitants de Yankee-City en définissant un certain nombre de
critères quantifiables : niveau de revenus, professions, caractéristiques
du logement, quartiers de résidence… Il attribue un score par caractéristique,
plus ou moins élevé suivant de l’individu par rapport à cette échelle de
stratification. A cette démarche, il en superpose une seconde qui consiste à
partir de l’opinion des individus. On demande à un échantillon d’individus
(directement ou indirectement) de se classer et de classer les autres, de
définir les signes reconnus comme distinctifs. A partir de l’ensemble de ces
résultats, on présente un tableau de la stratification en classes de la
population de Yankee-City.
L’approche européenne
A ce type
de démarche pragmatique s’oppose une autre démarche qui part d’une réflexion
sur le concept de classe en vue d’en rapprocher la nature, ce qui n’interdit
pas ensuite d’en tenter une mesure. Nous illustrerons ici cette démarche
traditionnelle en Europe par l’exemple du concept de classe chez Max Weber.
Weber
définit les classes à partir de la notion de « situation de classe »
Une situation de classe dépend des chances
(probabilités) qu’a un ensemble de personnes :
1.
De se procurer plus ou moins de biens et de services (un patron a plus
de chances en moyenne qu’un ouvrier d’avoir un niveau de consommation élevé…)
2.
De disposer des différents moyens d’obtenir des biens et des
services (la chance – probabilité – d’un prolétaire de recevoir des loyers et
des rentes sera faible, par contre sa probabilité d’avoir un salaire sera
élevée) pour un individu donné.
Ces
chances doivent être envisagées à partir de 3 critères :
1.
Quelle est la marge de manœuvre dont il dispose pour se procurer
ces biens et ces services ?
2.
Quelles contraintes extérieures subit-il ?
3.
De quelle possibilité personnelle dispose-t-il pour influencer
sa situation sociale ?
Nous entendons
par « classe » tout groupe
d’individus qui se trouve dans la même situation de classe.
a.
Une classe sera dite « classe
de possession » dans la mesure où la situation de classe est
essentiellement déterminée par des différences en matière de possession.
b.
Une classe sera dite « classe
de production » lorsque les chances d’exploitation du marché des biens
ou des services déterminent essentiellement la situation de classe.
c.
On appellera « classe
sociale », l’ensemble des situations de classe à l’intérieur
desquelles un changement est aisément possible et se produit de manière
typique, pour une personne donnée, dans la succession des générations.
Prenant
appui sur ces trois catégories de classes, peuvent exister des associations d’individus
ayant des intérêts de classe (groupement de classe). » (Weber, Economie
et Société)
Terminologie
marxiste
« On
appelle « classes » de
vastes groupes d’hommes qui se distinguent par la place qu’ils tiennent dans un
système historiquement défini de la production sociale, par leur rapport (la
plupart du temps fixé par la loi) aux moyens de production, par leur rôle dans
l’organisation sociale du travail et donc par les moyens d’obtention et la
grandeur de la part des richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont
des groupes d’hommes dont l’un peut s’approprier le travail de l’autre par
suite de la différence de place qu’ils tiennent dans un régime déterminé de l’économie
sociale » (Lénine,
T. XXIX, Editions sociales)
L’ensemble
de la vie est conditionnée par la position dans les rapports de production : ceux qui se situent à une même place
dans la production ont des intérêts communs, ainsi que les O.S. ressentent
collectivement les conséquences du travail à la chaîne, fatigue, chaleur,
bruit, insalubrité, risques d’accidents élevés, espérance de vie relativement
faible… Cette
situation commune donne une base à des intérêts communs, à des luttes et donc à
une prise de conscience d’une opposition aux détenteurs des moyens de
production : ainsi se constitue un passage de l’état de « masse »,
caractérisé par une absence de relation entre les travailleurs, à une formation
en « classe vis-à-vis du capital »,
c’est-à-dire en groupe organisé en vue d’obtenir certaines satisfactions à ses
revendications.
Le stade
ultérieur sera celui de « classe
pour elle-même », c’est-à-dire ayant pour but le changement des
rapports de production pour une société où la classe ouvrière aurait un rôle
dirigeant aboutissant à l’abolition de
toutes les classes.
Marx distingue
les classes fondamentales qui sont,
dans un mode de production, les deux pôles opposés et antagonistes essentiels. Ainsi, dans le mode de
production féodal, Marx distinguait les pays et les seigneurs, dans le mode de
production esclavagiste les esclaves et les maîtres, dans le mode de production
capitaliste les capitales et les prolétaires.
A côté de
ces classes fondamentales on peut soit distinguer des classes non
fondamentales, « petite bourgeoisie » par exemple, soit simplement
considérer qu’il n’y a que des couches sociales peu homogènes et contradictoires
se rattachant à l’une ou à l’autre des classes fondamentales suivant le jeu des
alliances de classe.
Source :
Dictionnaire économique et social
J. Brémond & A. Gélédan
Edition HATIER
Comme
vous le constatez, le monde communiste a une autre définition des « classes » et peut ainsi attiser
les jalousies et les haines entre toutes les différentes communautés, alors que
chaque individu ne fait nullement parti d’une classe unique mais de plusieurs
sous-groupes (ce qui est tout à fait normal quand on vit sa vie ;)). Mais cette tentative
de séparation absurde n’est pas véhiculée seulement par les communistes mais
aussi par les groupes d’extrême droite qui reprennent, pour eux, la définition
des « classes » tel que la définit Karl Marx ;) – oui, regardez
bien et lisez ;) ! mdrrrrr !!!
Tout
cela pour conclure que la « lutte des classes » n’existe que dans les
cerveaux de jaloux et souvent aussi, fainéants… qui veulent se garantir un
avenir en or, sans aucune contrainte et offerte par la base (nous, en l’occurrence)
qui deviendra une source inépuisable d’esclaves alors qu’eux s’enrichiront à
nos frais…
Alors,
avant de parler de « lutte des classes », réfléchissez bien à ce que
vous dites et aux valeurs que vous voulez défendre… et surtout, ne vous laissez
pas manipuler par tous ces faux-jetons qui souhaitent vous tromper et profiter
de vous !
Bisous,
@+
Sab
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