4 mars 2014

Lutte des classes: réalité ou fiction ?

Ah que coucou !
 
Je suis actuellement en train de lire L’Eté de 1936 écrit par Bertrand Poirot-Delpech (accessible prochainement à partir de ce blog) dans lequel on parle aussi de la lutte des classes. Justement de quoi s’agit-il exactement dans une société où la règle d’or pour survivre est de s’unir pour avoir les meilleures chances… D’abord étudions ce que signifie « classes sociales ». Pour ce faire, regardons ensemble le Dictionnaire économique et social, édité par Hatier.
 
 
Peu de notions sont d’usage aussi courant et contradictoire que celle de classes sociales ; pourtant chacun peut constater une série de faits empiriques qui témoignent d’une réalité reconnue par tous, mais interprétée différemment.

 

Une réalité visible pour des enfants

Célia Stendler, analysant les enfants de Brasstown en 1949, les a soumis à un « test d’image », à partir de photo découpées dans des journaux et mettant en scène des moments de la vie quotidienne. Les questions, posées à des enfants de six et huit ans, montrent qu’ils répondent très rapidement avec exactitudes au jeu de « devinez qui ? » si on leur demande :

- Qui a le plus d’argent à dépenser ?

- Qui a une bonne pour l’aider à la maison… ?

Signes sociaux, perceptions des revenus, des styles de vie, privilèges divers relatifs aux classes sont décelés très tôt. L’enfant perçoit l’existence d’une stratification.

 

La Stratification

La stratification est « l’inégale distribution des droits et des privilèges, devoirs et responsabilités, gratifications et privations, pouvoir social et influence parmi les membres d’une société » (Sorokin, Social and cultural mobility)

 

La reconnaissance de différences est le fait de tous les sociologues : différences de revenus, de patrimoine, de pouvoir, de prestige, de culture… et de place dans la production.

Il est possible de définir les groupes sociaux présentant une certaine cohérence vis-à-vis de l’organisation sociale.

 

Groupes sociaux

« Le groupe est une utilité réelle, mais partielle, directement observable et fondée sur des attitudes collectives, continues et actives, ayant une œuvre comme à accomplir, unit d’attitudes, d’œuvres et de conduites qui constitue un cadre social structurable t tendant vers une cohésion relative des manifestations de la sociabilité » (G. Gurvitch)

 

Groupe de référence et d’appartenance

Le groupe d’appartenance est celui auquel l’individu appartient ; le groupe de référence est celui auquel l’individu s’identifie, emprunte ses normes et ses valeurs.

 

Terminologie non marxiste

Les classes sont des groupes d’individus présentant une certaine homogénéité par rapport à certains critères essentiels (profession, revenus, types d’habitation, prestige social, pouvoir…), qui partagent des valeurs et des normes orientant leur pratique et leur conscience sociale.

 

Si les classes se différencient et s’ordonnent, elles ne sont pas considérées comme fondamentalement opposées, même si des rivalités et des conflits peuvent les diviser.

 

Certains sociologues utilisent le nom de strate plutôt que celui de classe sociale pour ce type de classification. Une strate en général est un sous-ensemble de la population totale présentant pour un critère ou un ensemble de critères une position semblable.

 

L’approche américaine

De façon générale, la sociologie américaine a plutôt développé les études empiriques, alors que traditionnellement la sociologie européenne a privilégié les analyses théoriques de la notion de classe. A titre d’exemple, on peut citer la démarche de Warner aux Etats-Unis, étudiant la population de Yankee-City et l’approche de Weber des classes sociales.

Warner étudie la situation des habitants de Yankee-City en définissant un certain nombre de critères quantifiables : niveau de revenus, professions, caractéristiques du logement, quartiers de résidence… Il attribue un score par caractéristique, plus ou moins élevé suivant de l’individu par rapport à cette échelle de stratification. A cette démarche, il en superpose une seconde qui consiste à partir de l’opinion des individus. On demande à un échantillon d’individus (directement ou indirectement) de se classer et de classer les autres, de définir les signes reconnus comme distinctifs. A partir de l’ensemble de ces résultats, on présente un tableau de la stratification en classes de la population de Yankee-City.

 

L’approche européenne

A ce type de démarche pragmatique s’oppose une autre démarche qui part d’une réflexion sur le concept de classe en vue d’en rapprocher la nature, ce qui n’interdit pas ensuite d’en tenter une mesure. Nous illustrerons ici cette démarche traditionnelle en Europe par l’exemple du concept de classe chez Max Weber.

Weber définit les classes à partir de la notion de « situation de classe »

Une situation de classe dépend des chances (probabilités) qu’a un ensemble de personnes :

1.    De se procurer plus ou moins de biens et de services (un patron a plus de chances en moyenne qu’un ouvrier d’avoir un niveau de consommation élevé…)

2.    De disposer des différents moyens d’obtenir des biens et des services (la chance – probabilité – d’un prolétaire de recevoir des loyers et des rentes sera faible, par contre sa probabilité d’avoir un salaire sera élevée) pour un individu donné.

Ces chances doivent être envisagées à partir de 3 critères :

1.    Quelle est la marge de manœuvre dont il dispose pour se procurer ces biens et ces services ?

2.    Quelles contraintes extérieures subit-il ?

3.    De quelle possibilité personnelle dispose-t-il pour influencer sa situation sociale ?

Nous entendons par « classe » tout groupe d’individus qui se trouve dans la même situation de classe.

a.    Une classe sera dite « classe de possession » dans la mesure où la situation de classe est essentiellement déterminée par des différences en matière de possession.

b.    Une classe sera dite « classe de production » lorsque les chances d’exploitation du marché des biens ou des services déterminent essentiellement la situation de classe.

c.    On appellera « classe sociale », l’ensemble des situations de classe à l’intérieur desquelles un changement est aisément possible et se produit de manière typique, pour une personne donnée, dans la succession des générations.

Prenant appui sur ces trois catégories de classes, peuvent exister des associations d’individus ayant des intérêts de classe (groupement de classe). » (Weber, Economie et Société)

 

Terminologie marxiste

« On appelle « classes » de vastes groupes d’hommes qui se distinguent par la place qu’ils tiennent dans un système historiquement défini de la production sociale, par leur rapport (la plupart du temps fixé par la loi) aux moyens de production, par leur rôle dans l’organisation sociale du travail et donc par les moyens d’obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d’hommes dont l’un peut s’approprier le travail de l’autre par suite de la différence de place qu’ils tiennent dans un régime déterminé de l’économie sociale » (Lénine, T. XXIX, Editions sociales)

L’ensemble de la vie est conditionnée par la position dans les rapports de production : ceux qui se situent à une même place dans la production ont des intérêts communs, ainsi que les O.S. ressentent collectivement les conséquences du travail à la chaîne, fatigue, chaleur, bruit, insalubrité, risques d’accidents élevés, espérance de vie relativement faible… Cette situation commune donne une base à des intérêts communs, à des luttes et donc à une prise de conscience d’une opposition aux détenteurs des moyens de production : ainsi se constitue un passage de l’état de « masse », caractérisé par une absence de relation entre les travailleurs, à une formation en « classe vis-à-vis du capital », c’est-à-dire en groupe organisé en vue d’obtenir certaines satisfactions à ses revendications.

Le stade ultérieur sera celui de « classe pour elle-même », c’est-à-dire ayant pour but le changement des rapports de production pour une société où la classe ouvrière aurait un rôle dirigeant aboutissant à l’abolition de toutes les classes.

Marx distingue les classes fondamentales qui sont, dans un mode de production, les deux pôles opposés et antagonistes essentiels. Ainsi, dans le mode de production féodal, Marx distinguait les pays et les seigneurs, dans le mode de production esclavagiste les esclaves et les maîtres, dans le mode de production capitaliste les capitales et les prolétaires.

A côté de ces classes fondamentales on peut soit distinguer des classes non fondamentales, « petite bourgeoisie » par exemple, soit simplement considérer qu’il n’y a que des couches sociales peu homogènes et contradictoires se rattachant à l’une ou à l’autre des classes fondamentales suivant le jeu des alliances de classe.
 
Source :
Dictionnaire économique et social
J. Brémond & A. Gélédan
Edition HATIER
 
Comme vous le constatez, le monde communiste a une autre définition des « classes » et peut ainsi attiser les jalousies et les haines entre toutes les différentes communautés, alors que chaque individu ne fait nullement parti d’une classe unique mais de plusieurs sous-groupes (ce qui est tout à fait normal quand on vit sa vie ;)). Mais cette tentative de séparation absurde n’est pas véhiculée seulement par les communistes mais aussi par les groupes d’extrême droite qui reprennent, pour eux, la définition des « classes » tel que la définit Karl Marx ;) – oui, regardez bien et lisez ;) ! mdrrrrr !!!
 
Tout cela pour conclure que la « lutte des classes » n’existe que dans les cerveaux de jaloux et souvent aussi, fainéants… qui veulent se garantir un avenir en or, sans aucune contrainte et offerte par la base (nous, en l’occurrence) qui deviendra une source inépuisable d’esclaves alors qu’eux s’enrichiront à nos frais…
 
Alors, avant de parler de « lutte des classes », réfléchissez bien à ce que vous dites et aux valeurs que vous voulez défendre… et surtout, ne vous laissez pas manipuler par tous ces faux-jetons qui souhaitent vous tromper et profiter de vous !
 
Bisous,
@+
Sab

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