10 novembre 2017

Richard Brautigan [La Vengeance de la Pelouse] : Un après-midi en 1939

Ah que coucou !

Petit souvenir que Richard Brautigan narre à sa fille de 4 ans en guise d'histoire pour le dodo trop court. Vous le découvrez en dessous de ma signature...

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab


Voici une histoire, telle que je la raconte souvent à ma fille qui a quatre ans. Elle y trouve quelque chose, et elle la réclame sans arrêt.

Au moment d’aller se coucher, elle me dit :

- Papa, raconte-moi l’histoire de quand tu étais petit et que tu grimpais dans le rocher.

- D’accord.

Elle se blottit dans les couvertures, comme si c’était des nuages qu’elle pourrait arranger à son gré, et, en suçant son pouce, m’écoute, de ses grands yeux bleus.

- Une fois, quand j’étais petit, que j’avais ton âge, mon père et ma mère m’ont emmené pique-niquer au mont Rainier. On est monté là-haut dans une vieille voiture, et on a vu un daim debout au milieu de la route. Puis on est arrivé à une prairie où il y avait de la neige à l’ombre des arbres, et là où le soleil ne brillait pas. Des fleurs sauvages, très belles, poussaient dans la prairie. Au milieu, il y avait un immense rocher rond. Alors, papa s’est approché du rocher et a vu un trou au milieu et a regardé dedans. Le rocher était creux et ça faisait comme une petite chambre à l’intérieur. Papa s’est faufilé à l’intérieur du rocher et s’y est assis. De là, on voyait le ciel bleu et les fleurs sauvages. Papa aimait beaucoup ce rocher, et tout l’après-midi, il a fait comme si c’était une petite maison et joué dedans. Il a ramassé des cailloux et les a emportés dans le rocher. Les petits cailloux étaient un fourneau et les meubles et un tas d’autres choses ; et il a fait à manger, et les fleurs sauvages servaient de nourriture.

L’histoire finit là.

Elle lève alors vers moi ses yeux bleus et profonds, et m’imagine enfant, jouant à l’intérieur d’un rocher, avec des fleurs sauvages en guise de hamburgers, que je cuis sur un petit caillou en forme de fourneau.

Elle ne se lasse jamais de cette histoire. Elle l’a entendue trente ou quarante fois, et la réclame encore.

C’est très important pour elle.

Je crois que cette histoire est une espèce de porte à la Christophe Colomb qui la mène à la découverte de son père quand il était enfant et qu’il avait son âge.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire