26 novembre 2019

Michel Tournier : Vendredi ou la Vie sauvage

Ah que coucou !

Nous connaissons tous, plus ou moins, Les Aventures de Robinson Crusoé de Daniel Defoe... et bien voici une des nombreuses adaptations :



Dont voici, pour vous mettre en bouche, les premières pages :

Michel Tournier est né en 1924, d’un père gascon et d’une mère bourguignonne, universitaires et germanistes. Il vit dans un vieux presbytère de la vallée de Chevreuse mais aime beaucoup voyager. Très tôt, il s’est orienté vers la photographie et a produit une émission de télévision « Chambre noire » consacrée aux photographes.
Il a publié son premier roman en 1967, Vendredi ou les limbes du Pacifique d’après lequel il a écrit par la suite Vendredi ou la Vie sauvage.
Auteur de plusieurs romans, il est, depuis 1972, membre de l’Académie Goncourt.




Georges Lemoine a trouvé dans cette œuvre de Tournier la mesure même de son inspiration faite d’audace et de raffinement, de précision et de sensibilité. Aussi compte-t-il parmi les meilleurs illustrateurs actuels. Il a illustré de nombreux livres pour les enfants et travaille beaucoup dans la presse.
Dans la collection « Folio Junior », Georges Lemoine est l’auteur des illustrations de La maison qui s’envole de Claude Roy, et de La Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ de Charles Dickens.




© Flammarion, 1971, pour le texte
© Editions Gallimard, 1977, pour la présente édition illustrée.


Pour Laurent





A la fin de l’après-midi du 29 septembre 1759, le ciel noircit tout à coup dans la région de l’archipel Juan Fernandez, à six cents kilomètres environ au large des côtes du Chili. L’équipage de La Virginie se rassembla sur le pont pour voir les petites flammes qui s’allumaient à l’extrémité des mâts et des vergues du navire. C’était des feux Saint-Elme, un phénomène dû à l’électricité atmosphérique et qui annonce un violent orage. Heureusement, La Virginie sur laquelle voyageait Robinson n’avait rien à craindre, même de la plus forte tempête. C’était une galiote hollandaise, un bateau plutôt rond, avec une mâture assez basse, donc lourd et peu rapide, mais d’une stabilité extraordinaire par mauvais temps. Aussi le noir, lorsque le capitaine van Deyssel vit un coup de vent faire éclater l’une des voiles comme un ballon, il ordonna à ses hommes de replier les autres voiles et de s’enfermer avec lui à l’intérieur, en attendant que ça se passe. Le seul danger qui était à craindre, c’était des récifs ou des bancs de sable, mais la carte n’indiquait rien de ce genre, et il semblait que La Virginie pouvait fuir sous la tempête pendant des centaines de kilomètres sans rien rencontrer.
Aussi le capitaine et Robinson jouaient-ils aux cartes tranquillement pendant qu’au-dehors l’ouragan se déchaînait. On était au milieu du XVIIIe siècle, alors que beaucoup d’Européens – principalement des Anglais – allaient s’installer en Amérique pour faire fortune. Robinson avait laissé à York sa femme et ses deux enfants, pour explorer l’Amérique du Sud et voir s’il ne pourrait pas organiser des échanges commerciaux  fructueux entre sa patrie et le Chili. Quelques semaines plus tôt, La Virginie avait contourné le continent américain en passant bravement le terrible cap Horn. Maintenant, elle remontait vers Valparaiso où Robinson voulait débarquer.
– Ne croyez-vous pas que cette tempête va beaucoup retarder notre arrivée au Chili ? demanda-t-il au capitaine en battant les cartes.
Le capitaine le regarda avec un petit sourire ironique en caressant son verre de genièvre, son alcool préféré. Il avait beaucoup plus d’expérience que Robinson et se moquait souvent de son impatience de jeune homme.
– Quand on entreprend un voyage comme celui que vous faites, lui dit-il après avoir tiré une bouffée de sa pipe, on part quand on le veut, mais on arrive quand Dieu le veut.
Puis il déboucha un tonnelet de bois où il gardait son tabac, et il y glissa sa longue pipe de porcelaine.
– Ainsi, expliqua-t-il, elle est à l’abri des chocs et elle s’imprègne de l’odeur mielleuse du tabac.
Il referma son tonnelet à tabac et se laissa aller paresseusement en arrière.
– Voyez-vous, dit-il, l’avantage des tempêtes, c’est qu’elles vous libèrent de tout souci. Contre les éléments déchaînés, il n’y a rien à faire. Alors on ne fait rien. On s’en remet au destin.
A ce moment-là, le fanal [n.m. (pluriel Fanaux) – XVIe siècle. Emprunté de l’italien fanale, de même sens, issu du grec phanos, « lanterne » – 2. - Marine. Grosse lanterne avec laquelle un bateau signale sa position ou éclaire son bord. Hisser un fanal au grand mât. (Source : Dictionnaire de l’Académie française)] suspendu à une chaîne qui éclairait la cabine accomplit un violent arc de cercle et éclata contre le plafond. Avant que l’obscurité totale se fasse, Robinson eut encore le temps de voir le capitaine plonger la tête la première par-dessus la table. Robinson se leva et se dirigea vers la porte. Un courant d’air lui apprit qu’il n’y avait plus de porte. Ce qu’il y avait de plus terrifiant après le tangage et le roulis qui duraient depuis plusieurs jours, c’était que le navire ne bougeait plus du tout. Il devait être bloqué sur un banc de sable ou sur des récifs. Dans la vague lueur de la pleine lune balayée par des nuages, Robinson distingua sur le pont un groupe d’hommes qui s’efforçaient de mettre à l’eau un canot de sauvetage. Il se dirigeait vers eux pour les aider, quand un choc formidable ébranla le navire. Aussitôt après, une vague gigantesque croula sur le pont et balaya tout ce qui s’y trouvait, les hommes comme le matériel.
Plus ? et bien, va falloir que vous l'achetiez chez votre libraire parce que... ben... celui-là je ne peux pas vous le "donner"...

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab

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