6 septembre 2018

Joseph Kessel : Les Mains du miracle

Ah que coucou !

Pour ceux qui n’en ont jamais encore entendu parler, il s’agit d’une biographie un peu spéciale… Oui, l’Histoire retient le nom de ceux qui ont joué un rôle plus ou moins profitable à l’Humanité. Parmi eux il y a de grands personnages (plus ou moins connus et/ou reconnus, je pense ici à tous les héros qui sont restés dans l'ombre) qui ont œuvré pour le bien de tous, au contraire de certain (nous pensons tout de suite, nous les Occidentaux, à Staline et à Hitler qui ont été les responsables principaux de nombreuses déportations et de crime contre l’Humanité même si Staline, faisant parti du camp des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, n’a jamais été condamné devant un tribunal pour un tel crime, à notre plus grande honte à nous tous, envers toutes ses victimes).

Justement, en parlant d’Adolf Hitler, celui-ci n’aurait jamais fait réaliser de telles horreurs s’il n’avait pas eu de soutien, plus ou moins influent, dont celui, entre autre, d’Heinrich Himmler. Mais voilà, être le complice de tels crimes n’est pas sans laisser de traces sur l’organisme et Heinrich Himmler souffrait de crampes horribles dont la cause principale était : nerveuse. Parce qu’à l’époque la neurologie moderne était encore à ses balbutiements après plusieurs siècles (voir le site : TPE Neurologie, la page Histoire et Connaissance en neurologie), les médecins qu’Himmler a appelés étaient inefficaces… c’est là qu’un masseur finlandais, né en Estonie, dont le nom est Félix Kersten, qui avait choisi de vivre en Hollande, intervient… non pas de son plein gré car il connaissait déjà la réputation cruelle d’Heinrich Himmler, mais par promesse à l’un de ses précieux amis qui, pour des raisons d’autorisation commerciale, avait besoin qu’Himmler reste « attentif », administrativement parlant, à toutes les demandes du secteur privé de la potasse.

Félix Kersten n’avait pas l’intention de soigner bien longtemps le Reichsführer Himmler, qui le dégoûtait. Mais, de nationalité finlandaise, sa position d’officier de réserve dans l’armée finnoise, à la veille de la guerre et pendant la guerre, l’y força (Himmler semblant se laisser aller à toutes sortes de confidence lorsqu’il était seul avec lui, le gouvernement finlandais, via son Ambassadeur à Berlin, jugeant qu’aucun autre pouvait être mieux placé que lui pour soutirer des renseignements...). C’est ainsi que s’installa, non pas un rapport d’amitié étroite entre les deux hommes, mais d’espionnage très étroit de ce IIIe Reich… malgré, toutefois, d’énormes suspicions grandissantes de la Gestapo (en la personne de Reinhard Heydrich et de son successeur Ernst Kaltenbrunner) qui va jusqu’à vouloir arrêter Félix Kersten pour avoir donné ses soins à des Juifs… Félix Kersten s’en sort, non pas grâce à Himmler, qui avait été éloigné de Berlin juste à ce moment-là, mais parce que la Gestapo avait oublié qu’il n’était ni allemand ni hollandais (la Hollande étant occupée à ce moment-là), mais finlandais (dont la souveraineté, en tant que "alliés de l'Allemagne" a été « respectée » par les Allemands)… toutefois, celle-ci ne fut pas la seule et dernière tentative et Félix Kersten devait de plus en plus se méfier au fur et à mesure que l'étau de la Gestapo se resserrait dangereusement autour de lui... surtout après que la Finlande ait signé un armistice avec la Russie en abandonnant ainsi les forces de l'Axe contre lesquelles elle a même déclaré la guerre...

C’est donc sur cette période dans la biographie de Félix Kersten que Joseph Kessel s’est concentrée et que je vous propose aujourd’hui :


accessible à la lecture / téléchargement en cliquant ici
Format : pdf
Langue : Français

Parmi les « confessions » qu’Heinrich Himmler faisait à son médecin, je souhaite pointer du doigt celle ci-dessous. En effet, pendant de nombreuses années je me suis toujours demandée comment il se faisait que des hommes et des femmes puissent, consciemment, accepter leur rôle de bourreaux (que ce soit sous le IIIe Reich, que ce soit sous Staline, sous Mao, sous Polpote, sous l’influence d'une appartenance à un parti politique, à un bande criminelle organisée, etc.). Himmler, dans ce passage, nous explique comment il recrutait les S.S. (soldats et sous-officiers) qui devaient faire ce très sale boulot :

Habitué qu’il [Himmler] était à parler sans retenue devant Kersten quand le docteur le soignait, et la vanité professionnelle aidant, Himmler reprit son intonation de cuistre souverain.
- Voici comment les choses sont calculées, dit-il. Un soldat S.S. ou un sous-officier commet une infraction au règlement, – désobéissance à un supérieur, retard pour rentrer de permission, absence illégale ou autre délit de ce genre. Bien. Il passe devant un conseil de discipline. Là on lui propose l’alternative : être puni et voir cette punition inscrite sur son carnet militaire, ce qui lui enlève toute chance d’avancement, ou aller dans un camp de concentration à titre de gardien, avec tous privilèges et libertés à l’égard des prisonniers. Il choisit la dernière proposition. Bien. Peu après son arrivée dans le camp son chef lui demande – remarquez bien, n’ordonne pas, mais demande seulement – de torturer, puis d’exécuter un détenu. En général, le nouvel arrivant se révolte. Alors le chef lui donne le choix : être renvoyé à son corps, subir une peine disciplinaire aggravée ou accomplir la besogne. En général, le soldat préfère rester. La première fois qu’il fait souffrir et tue un homme, c’est à contrecœur. La deuxième expérience est plus facile. Finalement, il y prend goût et commence à se vanter de son ouvrage. Alors, comme il est encore trop tôt pour que ces choses deviennent publiques, il est liquidé à son tour et remplacé par un autre.

Joseph Kessel, Les Mains du miracle,
Chapitre 8 : Les Témoins de Jéhovah, point 4.

De quoi donner des frissons dans le dos…
Et ceci rejoint le témoignage dans le livre Treblinka de Jean-François Steiner (question avenir des bourreaux après avoir effectué leur ouvrage, décidée par les dirigeants nazis), que j’ai lu il y a longtemps et que je ne relirai pas : cet ouvrage, très intéressant et instructif certes, mais trop bouleversant. Après sa lecture on ne peut pas en ressortir indemne... Toutefois je conseille à ceux qui ne l'ont pas lu encore, de le lire car c'est un livre qu'il faut connaître...

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire