Aujourd'hui je vous propose d'aller faire un tour en Acadie et de voyager avec ces Acadiens qui avaient été déportés dans les états du sud des Etats-Unis et qui regagnent la terre de leurs aïeux où les Anglais sont les nouveaux maîtres... oui, nous allons les accompagner dans cette période de l'après Grand Dérangement (pour avoir plus d'information concernant cette période de l'histoire québécoise, cliquez ici) :
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je ne peux pas proposer cet ouvrage gratuitement
Par contre je vous en propose le prologue comme extrait, en dessous de ma signature
Dans lequel nous faisons connaissance de Pélagie (surnommée Pélagie-la-Charrette), la chef de cette caravane, le capitaine Beausoleil-Broussard (amoureux de Pélagie il tente à ce qu'elle le rejoigne sur son quatre-mâts), Bélonie-le-Vieux (le chroniqueur de la caravane), Célina la guérisseuse, Catoune l'orpheline, et diverses personnes comme Jeanne Bourgeoise, Jeanne Aucoin, Bélonie-le-Jeune, Alban, Pacifique, etc. Pendant ces quelques années que durent leur odyssée, nous les accompagnons dans leur vie quotidienne, dans leurs joies, leurs malheurs, leurs peines, leurs rires... depuis la Géorgie jusqu'en Acadie où ils se séparent afin de rejoindre chacun leur coin d'Acadie...
Bonne lecture !
Bisous,
@+
Sab
PROLOGUE
Au dire du vieux Louis à Bélonie lui-même, ce rejeton
des Bélonie né comme moi de la charrette, seuls ont survécu au massacre des
saints innocents, les innocents qui ont su se taire. N’éveille pas l’ours qui
dort, qu’il dit, surtout pas l’ours qui dort sur le marchepied de ton logis.
C’est pourquoi l’Acadie qui s’arrachait à l’exil, à la fin du XVIIIe
siècle, est sortie de ses langes tout bas, sans vagir ni hurler, sans même se
taper dans les mains. Elle est rentrée au pays par la porte arrière et sur la
pointe des pieds. Quand le monde s’en est aperçu, il était trop tard, elle
avait déjà des ressorts aux jambes et le vent dans le nez.
Un nez comme celui de Pélagie-la-Gribouille, entre
autres, qui sort du bois un siècle plus tard pour renifler l’air une petite
affaire, le temps de sentir le temps qu’il fait. Le temps est au beau, la vie
peut recommencer. Et la gueuse crie aux autres de sortir de leur trou et de
venir prendre leur place au soleil. Elle a entendu la trompette des oies
sauvages qui rentrent du Sud, on peut commencer à remuer la terre et jeter ses
seines à l’eau.
- Grouillez-vous, bande de flanc-mous ! qu’elle
leur crie, la Pélagie ; personne viendra vous nourrir à la louche ni vous
border au lit.
Pélagie-la-Gribouille, troisième du nom, aimait à dire
qu’elle descendait en droite ligne de son ancêtre directe. Et comme si cet
aphorisme ne suffisait pas à convaincre le cercle des gicleux assis en
demi-lune devant la maçoune – que certains appellent l’âtre – elle reprenait
son lignage du début, chaque mauvais soir d’hiver, de Pélagie à Madeleine, à
Pélagie, à elle, Pélagie-la-Gribouille, rien que pour faire enrager les Desprès
et les Gallant qui, à son dire, ne figuraient pas au nombre des déportés de la
charrette.
Bélonie, père de Louis à Bélonie, conteur et
chroniqueur de son métier de père en fils, ricanait à ces défrichages d’amateur
qui ne savait même pas distinguer l’aller du retour, dans cette Déportation, et
qui n’aurait pas su nommer, pou sûr, la goélette du capitaine Broussard dit
Beausoleil qui, en longeant les côtes du Nord au Sud et du Sud au Nord, aurait
fait autant pour rassembler les lambeaux d’Acadie que la fameuse charrette et
ses quarante-six charretons. Voilà pour Pélagie !
Et pcht ! dans la maçoune.
- Ah oui ? C’est peut-être bien par rapport que
les Bélonie étiont au sec au fond d’une cale, durant tout le voyage, qu’aucun
de ces effrontés a aperçu l’ombre de la charrette de nos aïeux qui remontait au
pays sans même grincer des roues ?
Bélonie n’était pas un obstineux, pas plus que son
père, que son grand-père, que son aïeul Bélonie qui ne se cachait pas au fond
d’une cale de goélette, pardon, Pélagie! Mais qui s’appuyait aux ridelles de la
charrette, la vraie, à côté de cette Pélagie première du nom, ancêtre en droite
ligne de Pélagie-la-Gribouille qui, après cent ans, n’avait pas encore pardonné
à son arrière d’avoir accueilli ce bâtard dans la famille…
- Bâtard ! peuh ! Le seul nom de Bélonie fait encore
rêver trois quarts du pays et frissouner l’autre quartier… Et puis je suis
point obstineux.
Et il ne répondit pas davantage à la Gribouille.
Mais la Gribouille n’avait pas besoin de réponse pour
comprendre, pas besoin d’explications ni de cours d’histoire du pays. Et elle
renvoya Bélonie et tout le cercle de la maçoune à leurs pipes.
- Si vous vous figurez que vous me ferez des accroires
à moi !
Depuis cent ans déjà qu’on se passait la charrette, de
Bélonie en Bélonie, en Bélonie comme un fief, alors que la charrette n’avait
appartenu à nul autre qu’à son légitime et unique maître, Pélagie, première du
nom, LeBlanc de par son homme, sortie vivante des flammes de la Grand’ Prée.
- Et vous viendrez encore me raconter à moi la
charrette des aïeux ?
On la lui raconterait encore, et encore, car sans ces
conteux et défricheteux de Bélonie, fils de Bélonie, l’Histoire aurait trépassé
à chaque tournant de siècle. Combien de fois elle s’est arrêtée, butée,
effondrée sur le bord de la route. Et sans l’un de ces Bélonie qui passe par
là, un soir d’hiver… Il l’aperçoit à temps, la moribonde, et la ramasse, et la
redresse, et la ramène pantelante mais encore chaude au logis. Et là, à coups
de bûches dans la maçoune et de gicles de salive, pcht !... on la ravigote, la
garce, et l’Histoire continue.
… Elle continue encore dans la bouche de mon cousin
Louis à Bélonie, qui la tient de son père Bélonie à Louis, qui la tenait de son
grand-père Bélonie – contemporain et adversaire de la Gribouille – qui l’avait
reçue de père en fils de ce propre Bélonie, fils de Thaddée, fils de Bélonie
premier qui, en 1770, fêtait ses nonante ans assis au fond de la charrette même
de Pélagie, première du nom.
Après ça, venez me dire à moi, qui fourbis chaque
matin mes seize quartiers de charrette, qu’un peuple qui ne sait pas lire ne
saurait avoir d’Histoire.
Tant pis pour les Acadiens ! Je vais aller voir le blog de ta maman à toi … Bisous
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