Petit souvenir que Richard Brautigan narre à sa fille de 4 ans en guise d'histoire pour le dodo trop court. Vous le découvrez en dessous de ma signature...
Bonne lecture !
Bisous,
@+
Sab
Voici
une histoire, telle que je la raconte souvent à ma fille qui a
quatre ans. Elle y trouve quelque chose, et elle la réclame sans
arrêt.
Au
moment d’aller se coucher, elle me dit :
-
Papa, raconte-moi l’histoire de quand tu étais petit et que tu
grimpais dans le rocher.
-
D’accord.
Elle
se blottit dans les couvertures, comme si c’était des nuages
qu’elle pourrait arranger à son gré, et, en suçant son pouce,
m’écoute, de ses grands yeux bleus.
-
Une fois, quand j’étais petit, que j’avais ton âge, mon père
et ma mère m’ont emmené pique-niquer au mont Rainier. On est
monté là-haut dans une vieille voiture, et on a vu un daim debout
au milieu de la route. Puis on est arrivé à une prairie où il y
avait de la neige à l’ombre des arbres, et là où le soleil ne
brillait pas. Des fleurs sauvages, très belles, poussaient dans la
prairie. Au milieu, il y avait un immense rocher rond. Alors, papa
s’est approché du rocher et a vu un trou au milieu et a regardé
dedans. Le rocher était creux et ça faisait comme une petite
chambre à l’intérieur. Papa s’est faufilé à l’intérieur du
rocher et s’y est assis. De là, on voyait le ciel bleu et les
fleurs sauvages. Papa aimait beaucoup ce rocher, et tout
l’après-midi, il a fait comme si c’était une petite maison et
joué dedans. Il a ramassé des cailloux et les a emportés dans le
rocher. Les petits cailloux étaient un fourneau et les meubles et un
tas d’autres choses ; et il a fait à manger, et les fleurs
sauvages servaient de nourriture.
L’histoire
finit là.
Elle
lève alors vers moi ses yeux bleus et profonds, et m’imagine
enfant, jouant à l’intérieur d’un rocher, avec des fleurs
sauvages en guise de hamburgers, que je cuis sur un petit caillou en
forme de fourneau.
Elle
ne se lasse jamais de cette histoire. Elle l’a entendue trente ou
quarante fois, et la réclame encore.
C’est
très important pour elle.
Je
crois que cette histoire est une espèce de porte à la Christophe
Colomb qui la mène à la découverte de son père quand il était
enfant et qu’il avait son âge.
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