Ah que coucou !
C'est en cherchant des informations concernant une invention pour les trains que je suis tombée sur la revue : L'Exposition universelle 1878 illustrée qui relate toutes les étapes, les expositions, etc. qui ont eu lieu lors de la dite Exposition. L'ayant feuilleté j'ai relevé différents articles narrant l'actualité ferroviaire de ces années 1878 et antérieure et j'ai décidé de regrouper les dits-articles dans un e-book que j'ai expédié aux "supporters" de l'Histoire du chemin de fer et de l'Histoire en général se trouvant dans mon entourage. Et puis je me suis dit que cela en intéresserait d'autres, c'est pour cela qu'aujourd'hui nous commençons une nouvelle série : L'Exposition universelle de 1878 (et le rôle qu'a eu et tenu le chemin de fer, qu'il soit représenté par un train, tramway ou métro).
Dans ce premier article (regroupant 4 articles parus en 1876, dans les n° 64, 65, 67 & 68) nous abordons l'organisation du transport pour atteindre les lieux où se déroulent les événements (Trocadéro & Champs-de-Mars et le quartier).
Depuis la moitié du 19e siècle, suite aux différentes transformations de Paris, la population parisienne migre vers l'"extérieur" de Paris, il faut donc "organiser des transports en commun" permettant à Paris de vivre. Et après la guerre de 1870-1871 les transports entre Paris et sa banlieue sont assurés principalement par des omnibus surpeuplés, aidés par des tramway (tirés par des chevaux) et quelques lignes de chemins de fer. L'administration et les élus sont conscients qu'il faut, à l'image de Londres, New-York, par exemple, moderniser les transports parisiens... et on va profiter de cette exposition universelle de 1878 pour, justement, pouvoir choisir entre plusieurs projets, résumés dans les articles suivants.
Bonne lecture !
Bisous,
@+
Sab
Les
moyens de communication dans Paris et la Banlieue
(n° 64,
juin 1876)
Depuis quelques années nos
édiles se sont vivement préoccupés de la question des moyens de
communication dans Paris et dans la banlieue. Le sujet n’était
cependant pas nouveau, il s’imposait dès 1860, alors que Paris,
reculant ses barrières jusqu’aux fortifications forçait toutes
les grandes industries et avec elles les nombreuses populations
qu’elles font vivre à aller chercher dans la nouvelle banlieue un
refuge hors des atteintes de l’octroi.
Les communes suburbaines
ouvrirent leurs portes à ces transfuges et à côté de es
char-mantes villas émaillant les alentours de la capitale et où le
Parisien vient chaque dimanche cher-cher le repos et l’oubli des
labeurs de la semaine, se dressent aujourd’hui des usines, des
manu-factures qui ne possèdent avec la capitale que des moyens
imparfaits de relation.
Et dans Paris lui-même que
s’est-il passé ?
Grâce à l’initiative
hardie de M. Haussmann secondé par d’habiles ingénieurs, les
vieux quartiers ont disparu et sur leurs ruines se sont élevés de
magnifiques hôtels et d’importantes maisons de commerce. Le vieux
Paris est devenu la résidence du riche et le centre des affaires.
Devant cette transformation,
la population d’aisance moyenne, le petit bourgeois, l’em-ployé
ont dû s’éloigner et aller établir leurs pénates dans les
quartiers excentriques où ils trou-vaient les loyers moins élevés
et la vie à meilleur compte.
Dans les premières années de
l’annexion quelques rares omnibus avaient leur tête de ligne aux
fortifications et souvent l’employé, l’ouvrier étaient forcés
d’aller à pied et de prélever ainsi sur les heures de repos le
temps nécessaire au trajet à accomplir.
Reconnaissons tout d’abord
que de très grandes améliorations ont été faites et que si nous
comparons ce qui existait alors avec ce qui se pratique aujourd’hui,
nous devons remercier l’administration des progrès réalisés,
mais nous devons en même temps constater que nous sommes encore loin
d’avoir atteint les desiderata réclamés instamment par les
populations. Si les moyens de communication sont plus complets, ils
sont encore malheureusement imparfaits et nous ne pouvons mieux faire
que de rappeler ici l’opinion exprimée par M. le directeur des
travaux de Paris, dans ses notes à l’appui du budget de 1872.
Si les
omnibus peuvent suffire en temps ordinaire aux besoins de la
population, ils deviennent complètement insuffisants les jours de
fêtes pour la plupart des lignes, et quotidiennement sur les grandes
artères, objet d’une circulation très active.
Pour
remédier à cette insuffisance, il faut employer des voitures de
grande dimension, partant à des intervalles très rapprochés. Mais
alors les moyens ordinaires de traction sont insuffisants et il
devient indispensable de recourir soit à la vapeur, soit aux voies
ferrées.
Paris,
sous ce rapport, est à l’état d’infériorité vis-à-vis des
autres capitales. En Angleterre, en Amérique, à Bruxelles, à
Vienne, il existe de nombreux chemins de fer posés sur le sol des
rues et connus sous le nom de chemins de fer américains ou tramway.
A
Londres, des chemins de fer souterrains sillonnent une partie
consi-dérable de la ville. New-York possède, indépendamment des
tramways, des chemins de fer aériens, posés au-dessus du sol par un
système de colonnes et de travées métalliques.
A Paris,
au contraire, il n’existe qu’une faible section du tramway
con-cédé à la Compagnie Loubat, entre Sèvres et Vincennes, qui
n’a jamais été prolongé au delà de la place de la Concorde, et
qui est encore à exécuter entre cette place et Vincennes.
Si cette appréciation, bien
vrais en 1872, n’est plus aujourd’hui tout à fait exacte, elle
n’en existe pas moins dans sa partie principale et nous nous
rallions complètement à l’avis de M. le directeur des travaux, à
savoir qu’il n’y a qu’un chemin de fer ordinaire, à double
voie et à traction de locomotive qui puisse satisfaire, dans le
présent et dans l’avenir, aux nombreux besoins des populations de
Paris et de sa banlieue.
La question qui nous occupe
vient de faire un nouveau pas qui, cette fois, paraît devoir être
décisif.
Une commission d’ingénieurs,
présidée par M. Alphand, a été chargée d’aller étudier de
visu le Metropolitan
railway de Londres et d’examiner
s’il ne serait pas possible de doter Paris de moyens rapides de
locomotion.
La commission a déjà donné
lecture de son rapport au conseil municipal qui s’est montré animé
des meilleures dispositions pour en réaliser l’exécution ;
il a formulé le vœu de voir commencer les travaux sans retard afin
qu’ils puissent être achevés lors de l’Exposition universelle
de 1878.
Les projets de chemins de fer
présentés il y a quelques années par un grand nombre d’ingénieurs,
vont donc être l’objet d’un nouvel examen, et dans quelque temps
il faut l’espérer, le problème aura enfin reçu une solution
définitive.
(A suivre)
Victor
Favry
Les
moyens de communication dans Paris et la banlieue (suite)
(n° 65,
juillet 1876)
Les moyens de locomotion mis à
la disposition des habitants de Paris et de la banlieue peuvent se
classer en trois grandes catégories :
- Les Omnibus
- Les Tramways
- Les Chemins de fer.
Nous allons examiner ces
divers systèmes et indiquer les améliorations dont il nous
paraissent susceptible.
1.
Les Omnibus
Tout le monde connaît ce mode
de transport, admirablement organisé d’ailleurs, mais d’une
insuffisance notoire, surtout le soir et les jours de fêtes.
Qui n’a vu, le dimanche,
cette foule se pressant autour des voitures qu’elle cherche à
en-vahir d’assaut des voitures qu’elle cherche à envahir
d’assaut ; qui n’a éprouvé cette déception d’arriver à
un bureau vers cinq ou si heures du soir et de se voir obligé ou
d’aller à pied ou d’attendre une heure ou deux pour avoir une
place.
La Compagnie des omnibus fait
parfaitement son service, mais nous sommes forcé de reconnaître
qu’elle mécontente le public. Il faudrait que le soir les départs
de voitures fussent plus fréquents et que les dimanches et fêtes,
le service fût augmenté ; mais les sacrifices qu’entraî-nerait
une organisation irréprochable serait sans aucun doute hors de
proportion avec les bénéfi-ces à réaliser, et il faut plutôt
chercher le remède dans l’établissement de nouveaux moyens de
transports.
2.
Les Tramways
L’administration municipale
a reconnu l’insuffisance des omnibus et elle a cherché à y pa-rer
en introduisant chez nous le système des voitures sur rails, dites
Tramways, dont l’usage pro-duit d’excellents résultats tant en
Amérique que chez nos voisins.
En 1872, le Conseil Général
a voté l’établissement d’un réseau de Tramways reliant Paris
avec les localités les plus importantes de la banlieue et a, en même
temps décidé, dans l’intérieur de la ville, la création d’une
ligne circulaire suivant les anciens boulevards extérieurs, du pont
de Bercy jusqu’à la place de l’Etoile, l’avenue Joséphine,
l’avenue Bosquet, l’avenue de Tourville, les boulevards des
Invalides, du Montparnasse, de Port-Royal, St-Marcel et de l’Hôpital.
Aujourd’hui dix lignes de
Tramways sont livrées à l’exploitation, savoir :
- De Vincennes à Sèvres, Saint-Cloud et Versailles, en suivant dans Paris les quais de la rive droite ;
- De la place de l’Etoile à la Villette
- De la Villette à la place du Trône ;
- De la place de l’Etoile à Courbevoie ;
- De Courbevoie à Puteaux et Suresnes ;
- De la place de l’Etoile à la gare Montparnasse ;
- De Saint-Augustin à Neuilly (Boulevard Bineau) ;
- De Saint-Augustin à Levallois-Perret ;
- De la place Saint-Germain-des-Près à Montrouge ;
- De la place Moncey à Clichy et Asnières.
Les autres lignes concédées
sont en cours d’exécution ou vont être entreprises, et le Pré-fet
de la Seine, d’accord avec la Compagnie des Omnibus, va
prochainement proposer au Conseil municipal, en remplacement de
plusieurs lignes d’omnibus, la construction des six lignes de
tram-ways ci-après :
- Du Château-d’Eau au cimetière de Saint-Ouen (par les boulevards Magenta, Ornano et la route d’Epinay) ;
- Du Château-d’Eau au square de Cluny (par les boulevards Voltaire, Richard-Lenoir, Henri IV et Saint-Germain) ;
- Du chemin de fer de Ceinture sur le cours de Vincennes à la rue aux Ours (par le boulevard Voltaire, la place du Château-d’Eau et la rue Turbigo) ;
- De la Bastille au pont de Charenton (par le boulevard de la Contrescarpe et les quais de la rive droite) ;
- Du chemin de fer de Sceaux à la place de la Chapelle (par la rue d’Enfer, les boulevards Saint-Michel, du Palais, Sébastopol, de Strasbourg et le faubourg Saint-Denis) ;
- Du quai du Louvre à Passy, chaussée de la Muette (par les quais de la rive droite, l’avenue de l’Empereur et l’avenue Prudhon).
Les tramways rendent de très
grands services et ils en rendront partout où ils seront ins-tallés.
L’empressement du public à se servir de ce moyen de locomotion
justifie pleinement l’espoir qu’on en avait conçu et démontre
une fois de plus la nécessité de multiplier les systèmes de
trans-port : la clientèle des omnibus n’a pas beaucoup
souffert de l’installation de ce nouveau service.
L’usage de ces grandes
voitures au milieu de Paris inspirait certaines craintes, on
redou-tait les accidents et on n’était pas sans inquiétudes sur
le trouble que ces énormes véhicules sillonnant des quartier
populeux allaient jeter dans la circulation.
L’expérience a complètement
réussi : les accidents sont pour ainsi dire nuls, le public et
les voitures se rangent à l’approchent des omnibus qui traversent,
ainsi qu’on a pu le constater, des foules compactes sans le moindre
inconvénient.
Mais pour que les tramways
rendent tous les services qu’on est en droit d’attendre d’eux,
il faut, pour certaines lignes du moins, remplacer les chevaux par la
vapeur ou l’air comprimé. - On pourrait, de cette façon,
mettre deux ou trois voitures l’une derrière l’autre et
augmenter ainsi - les facilités de transports.
Les progrès réalisés
jusqu’à ce jour sont immenses, mais pour les compléter, il faut
établir des voies ferrées à traction de locomotive.
3. Les chemins de fer
Faut-il des chemins de
fer ?
Il y a, à ce sujet unanimité
de vue et d’aspiration entre les ingénieurs.
La
question, nous disent-ils, des moyens de communication dans
l’in-térieur de Paris se pose aujourd’hui impérieusement.
Paris
doit renfermer un ensemble de chemins souterrains, pareil à celui de
nos omnibus sur les voies publiques.
Depuis
vingt ans, en dehors du chemin de fer de Ceinture, de la ligne
d’Auteuil et de celle de Vincennes, on y a rien fait pour la
locomotion rapide.
D’autre
part, les lignes actuelles, à de minimes exceptions près,
des-servent fort mal les environs de Paris, où les communications
transversales font complètement défaut.
La
question des voies de communication et des moyens de transport dans
le département de la Seine et particulièrement dans l’intérieur
de Paris, s’impose aujourd’hui à tous les esprits sérieux.
Comme on le voit, les opinions
des hommes les plus compétents en la matière peuvent se résumer
ainsi :
Oui, il faut doter Paris et
sa banlieue de chemins de fer.
Si l’établissement d’une
voie ferrée dans le département de la Seine est vivement souhai-té
par les esprits éclairés qui en apprécient tous les avantages, son
utilité fait l’objet des critiques de quelques personnes qui n’y
sont nullement intéressées.
Toutes les objections tombent
devant les réclamations fondées de l’industrie parisienne et de
la banlieue qui depuis de longue années sollicitent l’ouverture de
voies de communication com-modes, rapides et économiques, se
plaignant avec raison de la difficultés qu’elle rencontre tant
dans son approvisionnement que dans l’écoulement des produits
manufacturés.
Le Conseil général de la
Seine s’est préoccupé de la question. Il s’est demandé quelle
était l’importance des produits bruts entrant dans ces usines,
dans ces manufactures suburbaines pour en sortir, peu après,
façonnés, métamorphosés sous mille formes diverses et aller
répandre dans le monde entier les témoignages de notre
intelligence, de notre activité, de notre industrie.
Il a supputé quelle immense
et fécondante source de travail, de richesse et de bien-être
menaçait d’être tarie, si on ne venait promptement à son
secours.
Il a songé enfin à cette
population laborieuse qui attend avec anxiété qu’on décide de
son sort.
Justement ému, le Conseil
général a reconnu la nécessité de donner satisfaction aux besoins
matériels des populations du département de la Seine et dans sa
séance du 25 octobre 1872, il a décidé en principe la création
d’un chemin de fer circulaire dans la banlieue de Paris.
Ceci
posé, examinons : Comment doivent être conçus ces
chemins de fer ?
M. le directeur des travaux de
Paris nous indique que rien n’était plus simple que d’établir
des voies ferrées dans l’intérieur de la capitale lors de
l’exécution des travaux de transformation qui en ont fait la
première ville du monde.
Il est
regrettable, dit-il, que l’étude des chemins de fer aériens ou
sou-terrains n’ait pas été faite au moment de la création des
nouveaux perce-ments des boulevards.
Il eut
été facile alors, en étendant un peu les expropriations, de
don-ner à la voie l’axe de largeur nécessaire pour construire, au
centre de la chaussée, des arcades en maçonnerie ou en métal, dans
le genre du via-duc d’Auteuil, pouvant porter une voie de fer. Les
soutènements de che-mins de fer, combinés avec l’établissement
des égouts, n’auraient exigé qu’un faible surcroît de
dépenses, sans gêne pour la circulation et n’au-raient pas offert
toutes les difficultés que présenterait aujourd’hui le perce-ment
de ces souterrains, sous des voies publiques très fréquentées et
au milieu de l’énorme réseau des égouts de Paris.
L’idée d’établir un
chemin de fer au milieu de la voie publique n’est pas nouvelle.
Depuis plus de vingt ans le chemin de fer d’Auteuil nous offre un
spécimen de cette heureuse disposition qui, plus récemment a été
adoptée pour le chemin de fer de ceinture entre Auteuil et Grenelle.
M. Alphand a certainement
raison de regretter que l’on n’ait pas profité de la
transforma-tion de Paris pour établir des chemins de fer au milieu
de ses voies, mais ce qu’on a négligé de faire alors, pourquoi ne
pas le faire aujourd’hui ?
Il reste encore de grands
percements à exécuter, et quelques-unes des larges avenues déjà
construites permettraient sans difficultés sérieuses
l’établissement des voies ferrées.
M.
le Directeur des travaux de Paris parle
d’installer sur les voies publiques soit un che-min de fer aérien,
soit un chemin de fer souterrain ; il semblerait qu’il n’y
eût place dans Paris que pour l’un ou l’autre de ces deux
systèmes. Sans approfondir les motifs qui ont pu dicter cette
préfé-rence, nous croyons qu’un chemin de fer doit toujours être
construit d’après les principes en usage et consacrés par
l’expérience. Suivant le relief du sol, il passera en souterrain,
en viaduc ou à niveau : La seule règle à observer, et elle
est absolue, c’est de n’apporter aucune gêne à la circulation
publique, notamment au croisement des voies.
L’Exposition universelle qui
doit avoir lieu en 1878, a remis à l’ordre du jour la question
d’établissement de voies rapides de locomotion dans Paris et sa
banlieue, et le voyage que vient de faire à Londres la Commission de
savants ingénieurs, nommés par M. le Préfet, fait bien augu-rer
pour la création des chemins de fer si unanimement réclamés par
les populations du départe-ment de la Seine.
Dès 1871, plusieurs
ingénieurs, sur l’invitation qui en avait été faite par M. Léon
Say, alors préfet, se sont mis à l’œuvre pour étudier les
meilleures conditions d’établissement de chemins de fer dans
Paris. Quarante-sept projets furent présentés et la Commission
chargée de leur examen en écarta tout d’abord quarante et n’en
retint que sept comme pratique ou méritant attention.
Au moment où l’administration
s’occupe de nouveau de la solution de cette question, nous ne
croyons pouvoir mieux faire que de rappeler les sept projets qui ont
valu à leurs auteurs une mention honorable de la part de la
Commission.
1° Projet
de MM. Brame, Flachat et Grissot de Passy.
Ce projet a pour but unique de
relier les Halles centrales avec le réseau de nos grandes voies
ferrées.
Cette idée n’est pas
nouvelle : dès 1848, elle a été émise et a fait l’objet de
discussions approfondies.
Quoi de plus rationnel en
effet que d’amener directement aux Halles, sans transbordement ni
camionnage, les nombreux produits qui affluent à Paris de tous les
points de la France.
Le chemin projeté serait
construit en souterrain et dans les mêmes conditions que les grands
chemins de fer, de sorte que wagons et machines pourraient arriver
aux Halles où un gare également souterraine serait aménagée pour
les recevoir.
Aucun obstacle sérieux ne
s’oppose à l’exécution de ce projet, si ce n’est qu’il
coûtera 4 millions de francs par kilomètre.
Ce
qui est plus grave, ce sont les réflexions des ingénieurs de la
Commission de 1871, qui, si elles étaient fondées, démontreraient
a fortiori l’inutilité
du projet.
A l’exception de la marée
et de quelques autres produits alimentaires, les colis arrivant à
Paris sont disséminés dans les wagons composant les trains de
marchandises, aucune expédition n’atteint la charge complète
d’une voiture. Il faudrait donc, avant de se servir du chemin
projeté, faire un triage des colis à destination des Halles. On
pourrait encore, il est vrai, inviter les grandes Compagnies à
réunir dans les mêmes wagons les marchandises à livrer dans la
gare centrale, mais en pratique, ce mode de chargement ne serait
peut-être pas toujours facile à réaliser ; d’un autre côté,
ce nouveau service exigerait l’organisation d’un personnel
spécial d’octroi, fort onéreux.
La Commission, en présence de
l’énorme dépense à faire, estime que les tarifs ne pourraient
qu’être fort élevés et qu’il est permis de douter que le
public change ses habitudes pour suivre la nouvelle entreprise, s’il
ne trouve des avantages sérieux sur les moyens dont il dispose
aujourd’hui.
Une
dernière considération sur l’ensemble de ce projet, c’est que
sans utilité pour le transport des voyageurs, on ne comprend pas
pourquoi les auteurs relient les Halles avec les lignes des cinq
grandes Compagnies qui déjà
sont soudées ensemble par le chemin de fer de Ceinture. Il eut été
plus simple et plus rationnel de prolonger le chemin de fer de l’Est
jusqu’aux Halles en empruntant les boulevards de Strasbourg et
Sébastopol.
(A suivre.)
Victor
Favry
Les
moyens de communication dans Paris et la banlieue (suite)
(n°
67,
août 1876)
2e
Projet de M. Lemasson
L’auteur a présenté une
étude complète de chemin de fer pour desservir Paris et sa
banlieue, mais il a abandonné une partie de son projet et nous nous
bornerons à décrire sa ligne principale.
M. Lemasson propose de relier
Boulogne à la Bastille et au chemin de fer de ceinture à Montrouge,
en suivant l’avenue du Bois de Boulogne, la place de l’Etoile,
l’avenue Friedland, le boulevard Haussmann, la rue Auber, puis les
grands boulevards jusqu’à la Bastille : de là, le tracé
prend le boulevard Bourdon, traverse la Seine, passe devant la Halle
aux Vins, emprunte le boulevard Saint-Germain jusqu’au square de
Cluny et suivant le boulevard Saint-Michel et l’avenue d’Orléans,
gagne le chemin de fer de Ceinture à Montrouge.
L’exécution de ce projet
nécessiterait l’établissement d’un long souterrain ne prenant
de l’air que dans les terrains du grenier d’abondance et sur les
quais de la Halle aux Vins.
La construction ne
présenterait pas de difficultés sérieuses, elle occasionnerait une
dépense de 4 millions par kilomètre.
Nous ne sommes pas ennemi des
souterrains et nous les comprenons fort bien bien lors-qu’on les
restreint au strict indispensable, mais lorsqu’il s’agit, comme
dans l’espèce, d’établir un tunnel d’une dizaine de
kilomètres de longueur, nous avouons que nous ne voyons pas quels
avantages et quels agréments pourrait procurer aux voyageurs la
construction de cette longue galerie noire et humide.
On invoque ce qui se pratique
à Londres, mais on oublie de tenir compte des circons-tance
climatériques qui ne sont pas les mêmes en France qu’en
Angleterre.
Que les voyages souterrains
trouvent des adeptes de l’autre côté de la Manche, cela n’a
rien de surprenant, tout le monde sait en effet que la métropole
anglaise est le séjour par excellen-ce des brouillards et de la
pluie ; mais à Paris où le soleil n’est pas un mythe, où le
beau temps est la règle et la pluie l’exception, il n’est pas
permis d’espérer que le Parisien, ami de la lumière et de la
flânerie entreprenne bénévolement ce voyage dans l’obscurité ;
il préférera, on peut en être cer-tain, faire le trajet de la
Madeleine à la Bastille sur l’impériale d’un omnibus d’où il
peut contempler à son aise l’animation de nos boulevards.
3e
Projet de M. Vauthier.
M. Vauthier avait proposé
l’établissement d’une ligne circulaire sur les anciens
boulevards extérieurs et d’une autre ligne sur les quais de la
rive droite.
La première ligne passait
tantôt en souterrain, tantôt en viaduc, mais le plus souvent
sui-vant ce dernier système et avait pour axe le centre du
boulevard.
La seconde ligne, celle des
quais, était portée par un viaduc métallique reposant sur un
double rang de colonnes dont l’un s’appuyait sur le parapet du
quai et l’autre sur le chemin de halage.
La commission reconnaissait
que M. Vauthier avait choisi les conditions les plus favora-bles à
l’exécution impossible, la longueur des tunnels étant
relativement peu considérable.
Ce projet ne paraît pas avoir
été l’objet d’un examen suffisamment approfondi et de qui
justifie cette opinion, c’est le fait accompli. N’avons-nous pas
vu, en effet, l’administration concéder à la Compagnie des
omnibus la première partie du projet de M. Vauthier ; seulement
au lieu d’avoir une locomotion par la vapeur, elle a jugé
suffisante la traction par chevaux.
Or, qu’arrive-t-il ?
C’est que le tramway ne rend aujourd’hui que des services
incomplets, et qu’il ne satisfait qu’imparfaitement aux besoins
de la population : après six mois à peine d’exis-tence on
songe à substituer aux chevaux la traction par la vapeur.
Combien eut été préférable,
selon nous, d’adopter la première partie du projet de M. Vau-thier
avec quelques modifications qui auraient permis de relier son tracé
des boulevards extérieurs avec le chemin de fer de ceinture et avec
nos grandes voies ferrées.
Paris serait déjà doté d’un
chemin de fer de première utilité.
Quant au tracé suivant les
quais, le système de construction proposé par M. Vauthier est fort
ingénieux, seulement ce chemin de fer est-il aussi nécessaire que
le pense son auteur ?
Cette partie de Paris
n’est-elle pas complètement desservie par les bateaux à vapeur et
les omnibus ?
Enfin pour ceux, et le nombre
en est grand, qui désirent conserver à la capitale toutes ses
splendeurs, cette voie aérienne ne serait-elle pas, sur bien des
points, comme un écran placé entre l’enthousiasme du spectateur
et l’admirable beauté de nos monuments ?
Si la nécessité parlait,
cette considération ne devrait pas nous arrêter, mais jusqu’à
présent, l’utilité de ce chemin n’est pas suffisamment
démontrée.
4e
Projet de M. Brunfaut
M. Brunfaut a déposé un
projet de chemin de fer circulaire reliant entre elles la plupart des
communes suburbaines du département de la Seine et pénétrant dans
Paris par cinq branches aboutissant le plus près possible du centre
de la capitale.
L’auteur a divisé son
projet en cinq sections que nous allons décrire :
La première a son point de
départ à Notre-Dame de Lorette, où serait établie une gare-marché
destinée à être l’entrepôt des produits maraîchers du Nord, et
aboutit à Issy. Le tracé se dirige vers le Nord, et dessert
Batignolles, Saint-Ouen, Clichy, Levallois, Neuilly, le bois de
Boulo-gne, Longchamps, Boulogne, Saint-Cloud, Sèvres, les Moulineaux
et Bas-Meudon.
A cette section se rattachent
deux embranchements : l’un reliant la station d’Auteuil, sur
le chemin de fer de ceinture, avec le champ de courses de Longchamps,
en longeant le bois de Bou-logne ; l’autre, partant de
Saint-Ouen et aboutissant à Suresnes après avoir desservi
Gennevilliers, Asnières, la Garenne, Courbevoie et Puteaux.
La deuxième section a son
origine sur le quai d’Orsay et son point d’arrivée à Villejuif
[La partie d cette section comprise entre
l’Esplanade des Invalides et les Moulineaux a été concédée
récemment à la Compagnie des chemin de fer de l’Ouest].
Le tracé suit le quai d’Orsay
et passe en souterrain devant le champ de Mars ; il est à
niveau sur les quais de Grenelle et de Javel et permet ainsi à toute
fabrique, entrepôt ou usine de se relier facilement avec la voie
projetée en même temps qu’il ne met aucune entrave à la
naviga-tion fluviale. Cette partie du chemin circulaire passe par ou
près Issy, Vanves, Montrouge, Ba-gneux, Châtillon,
Fontenay-sur-Rose, Arcueil, Gentilly, Villejuif.
La troisième section a sa
gare de départ sur le quai Montebello, en face Notre-Dame, et vient
se jonctionner à Bonneuil avec le chemin de fer de Vincennes. Son
but principal est de mette en relation avec les chemins de fer du
midi l’entrepôt des liquides du quai Saint-Bernard.
Cette ligne dessert Bicêtre,
Gentilly, Ivry, Vitry, Maisons-Alfort, Créteil et Bonneuil.
La quatrième section n’est
autre que le chemin de fer de Vincennes prolongé à partir de
Fontenay-sous-Bois jusqu’à Romainville, après avoir touché
Montreuil-sous-Bois, Bagnolet. Elle ouvre des débouchés aux
nombreuses carrières de gypse en pleine exploitation dans cette
partie des environs de Paris.
Enfin la cinquième section,
qui n’est pas la moins importante, part de la place du
Château-d’Eau et aboutit à Saint-Ouen. Elle dessert les
importantes localités suivantes : les Lilas, Romainville,
Pantin, Aubervilliers, la Courneuve, Saint-Denis et Saint-Ouen.
Comme on le voit, M. Brunfaut
a cherché à donner satisfaction à tous les intérêts en
souf-france ; il a étudié les moyens les plus pratiques de
relier avec nos grands chemins de fer certains centre industriels par
trop délaissés et de procurer en même temps aux Parisiens de
nouveaux moyens de transport, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur de la ville.
L’ingénieur n’a pas
adopté pour la réalisation de son tracé un système particulier de
cons-truction : il a simplement suivi les anciens errements
consacrés par l’expérience. Sa ligne passe tantôt à niveau,
tantôt en tranchée ou en souterrain, tantôt en viaduc ; sur
plusieurs points de son parcours elle emprunte des voies publiques
et, se conformant aux idées émises par M. le Directeur des travaux
de Paris, l’auteur place son chemin de fer dans l’axe de la voie
et lorsque son tracé est à niveau ou en tranchée, il le borde
d’une élégante balustrade et décore chaque tête de pont, à la
rencontre d’une rue, d’une place, de vasques remplies d’arbustes
et de fleurs, rappelant les dispositions si heureusement appliquées
au boulevard Richard-Lenoir.
M. Brunfaut a été plus
heureux que ses concurrents : son projet a été pris en
considéra-tion par le Conseil général de la Seine, par toutes les
communes du département et par les Cham-bres de commerce. Il a fait
l’objet d’un débat assez vif entre l’administration supérieure
et le Con-seil général. Le gouvernement prétendait qu’un chemin
de fer conçu dans les conditions que nous venons d’indiquer était
d’intérêt général et
que passant sous le feu des forts, son exécution relevait de son
autorité ; le Conseil général s’appuyant sur la loi de 1865
et sur un avis motivé du conseil des ponts et chaussées, soutenait,
au contraire, que ce chemin était d’intérêt local
et que, dès lors, sa construction faisait partie de ses
prérogatives.
Afin de mettre un terme à
cette discussion, commencée en 1872, un ministre, M. Caillaux, a
accordé, le 31 décembre dernier, à la Compagnie de l’Ouest, la
concession d’une des sections les plus importantes du chemin qui
nous occupe : celle allant des Invalides à Courbevoie.
N’est-ce pas là, la
consécration la plus éclatante qui ait pu être donnée aux études
approfondies de M. Brunfaut !
Ainsi d’ores et déjà,
Paris sera doté d’un nouveau chemin de fer pour l’Exposition
univer-selle de 1878. Il partira du pont de l’Alma, desservira le
champ de Mars et se reliant avec nos grandes lignes, il sera le
chemin le mieux approprié aux besoins que va faire naître la grande
solennité internationale qui doit s’ouvrir incessamment.
5° Projet
de MM. Levalley et Rostand.
D’après les déclarations
mêmes des auteurs, ce projet a été dressé sur les données
four-nies par M. Mention, directeur du chemin de fer de ceinture.
M. Mention a tracé sur un
plan de Paris, ou plutôt sur la carte des itinéraires des omnibus,
une ligne plus ou moins grosse, indiquant, suivant son épaisseur,
l’importance de la circulation sur les différents points
parcourus, puis il imagine des souterrains sans suite destinés à
remplacer le service des omnibus.
Que de difficultés à vaincre
par l’existence, dans le Paris souterrain qu’on veut animer, du
réseau des égouts et des conduites de gaz, sans compter le passage
sous la Seine.
La
voie sera établie sur les mêmes données que celles qui ont présidé
à la construction de nos grandes lignes de chemins de fer, mais
d’importantes modifications sont apportées au ma-tériel et au
système de traction. M. Mention présente des voitures ayant 2m80
de hauteur au lieu de 4m30,
minimum exigé pour les voitures ordinaires de chemin de fer, et dont
la caisse est enchâs-sée entre les roues ; cette disposition
permet de transporter voyageurs et marchandises dans un boyau
souterrain de 8 mètres de largeur et de 3 mètres de hauteur.
Quant à la traction, elle
s’opérerait au moyen d’un câble et serait une imitation de ce
qui se pratiquait jadis sur le chemin de fer de Saint-Germain.
Ce tunnel d’un nouveau genre
ayant ses deux voies tantôt côte à côte, tantôt superpo-sées,
n’obtiendra tout au plus qu’un succès de curiosité qui
s’éteindra immédiatement le jour où un voyageur passant sans
transition de l’air extérieur à la fraîcheur du souterrain
gagnera, par ce brusque changement de température, sa première
fluxion de poitrine.
6° Projet
de M. Bergeron.
Le projet de M. Bergeron
repose tout entier sur le principe de la raréfaction de l’air.
Plus de locomotive, plus de
câble, l’auteur place en terre un énorme tube en fer dans lequel
il fait glisser une voiture sur des rails.
Derrière la voiture vient
s’appliquer un disque se mouvant avec un très léger frottement. A
l’aide d’une puissante machine pneumatique, on fait le vide dans
le tube et wagon, voyageurs et écran arrivent à destination.
Le procédé de M. Bergeron
n’est encore qu’à l’état d’essai et il est permis de douter
que la réalisation de ce système soit pratique.
7° Projet
de MM. Pochet et Lemoine.
Ce projet consiste dans une
suite de viaducs métalliques légers qui, placés sur nos voies
publiques, permettraient de voyager en admirant les splendeurs de
Paris.
L’évaluation des dépenses
n’a rien d’excessif.
La traction serait faite à
l’aide d’un câble.
Une seule objection s’élève
contre ce projet, mais elle est considérable : on se demande ce
que
deviendra la valeur des
immeubles devant lesquels ce chemin aérien viendra passer et quelle
perspecti-ve sera réservée à nos monuments publics.
Tels sont les sept qui ont, en
1872, mérité une mention spéciale de la part de la commission
chargée de l’étude des chemins de fer dans Paris.
Depuis lors d’autres projets
ont été produits, mais nous n’en connaissons pas suffisamment les
détails pour les analyser. Nous devons toutefois mentionner le
projet de M. Delcourt.
Cet ingénieur propose
d’établir un chemin de fer sous les quais de la rive gauche. Il
construit un souterrain contre le mur du quai, qu’il perce de baies
nombreuses donnant accès à l’air et à la lumière.
L’idée est bonne, mais M.
Delcourt a oublié de tenir compte des débordements de la Seine ;
à la moindre crue, le fleuve envahirait le souterrain qui lui
offrirait un second lit.
(A suivre.)
Victor Favry
Les
moyens de communication dans Paris et la banlieue (suite et fin)
(n° 68,
août 1876)
A la suite des événements de
1870-1871, de toutes parts surgit une activité fiévreuse, il
sem-blait qu’on avait hâte de réparer nos désastres et, de tous
les points de la France, on réclamait la création de nouvelles
voies ferrées ; c’était surtout à Paris et dans le
département de la Seine que l’établissement de chemins de fer
était sollicité avec le plus d’instance. L’administration prit
en considération les vœux formulés par les populations, elle fit
appel aux compagnies, aux ingénieurs et les invita à se mettre à
l’étude. De nombreux projets furent dressés : plusieurs
obtinrent des prises en considération de la part des conseils
généraux, mais cet engouement se calma bientôt et aucune
résolution ne fut prise.
Une situation latente succéda
à l’effervescence d’un moment.
Enfin, en 1875, le
gouvernement concéda à quelques-unes de nos grandes compagnies la
construction de plusieurs lignes de chemins de fer d’intérêt
local.
Tandis que beaucoup de nos
départements recevaient satisfaction, seul, le département de la
Seine et en même temps Paris, la capitale de la France, étaient
déshérités.
A quoi tenait cet abandon ?
Il était dû surtout à
l’indécision de l’administration : fallait-il concéder à
une nouvelle compagnie la construction de voies ferrées dans Paris
et sa banlieue ? ou bien, suivant les anciens errements, ne
valait-il pas mieux confier l’exécution de ces voies à une ou
plusieurs des grandes compagnies dont on viendrait ainsi une fois de
plus consacrer le monopole ?
A la fin de 1875, le ministre
des travaux publics, M. Caillaux, crut devoir trancher définitivement
la question en proposant à l’Assemblée nationale la concession à
la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest d’une ligne allant des
Invalides aux Moulineaux avec prolongement jusqu’à Courbevoie,
ainsi qu’un embranchement se détachant du chemin de fer de
ceinture à Auteuil et desservant Boulogne.
L’adoption de ce projet
remit la question à l’ordre du jour et la perspective d’une
Exposition uni-verselle en 1878, vint encore accroître l’intérêt
qui s’attachait à la création de voies ferrées dans Paris. Aussi
les ingénieurs se remirent à l’œuvre, une commission se rendit à
Londres et aujourd’hui il ne s’agit rien moins que de doter la
capitale d’un réseau souterrain fort compliqué et dont l’utilité,
pour certaines de ses parties, paraît au moins douteuse.
Les nouvelles études ont
toutes en vue de relier entre elles les principales gares. La
plu-part des tracés proposés suivent les grandes artères :
les boulevards de la Madeleine à la Bastille, la rue de Rivoli, la
Chaussée-d’Antin, la rue du Quatre-Septembre, la rue de Rome,
etc., etc. Quel-ques ingénieurs proposent de passer sous la Seine,
d’autres d’établir une gare centrale au Palais-Royal où
viendraient converger tous les chemins de fer existants ou à créer.
Certes le sujet est fertile et
présente un vaste champ à l’étude et à l’imagination, mais
est-on bien sûr d’arriver à l’idéal en établissant des voies
ferrées au cœur même de Paris !
Puisqu’on prend pour exemple
ce qui se pratique si bien chez nos voisins d’outre-Man-che, il
n’est pas sans intérêt de rappeler les considérations qui ont
présidé à la construction du Métropolitain anglais.
La
population de Londres, si ce n’est pas dans la Cité, est fort peu
condensée, aussi n’est-ce
pas dans le Strand ou
dans Oxford Street
qu’on a établi des voies ferrées. On s’est éloigné du centre
et c’est à 3 kilomètres de la Tamise, dans les grandes voies de
Marylebrone et de Euston-Road, qu’on s’est porté et qu’on a
construit jusqu’à King’s Cross la première section du
Métropolitain.
Ainsi à Londres, ce n’est
pas sous les voies analogues à nos boulevards intérieurs ou à la
Rue de Rivoli qu’on a commencé à établir des chemins de fer,
mais sous celles qui offrent une certaine ressemblance avec les
anciens boulevards extérieurs.
Il serait donc sage, à notre
avis, de commencer à desservir par des voies ferrées les quartiers
excentriques de Paris en les mettant en rapport avec le centre par
des branches qui pénétreraient le plus avant possible.
Conclusion
Il est incontestable
aujourd’hui pour tout le monde que les moyens de communication dans
Paris sont complètement insuffisants et qu’il devient urgent,
surtout en présence de la solennité indus-trielle qui doit avoir
lieu en 1878, de donner à cette question qui s’impose fatalement,
la solution depuis si longtemps souhaitée :
Résumons les améliorations
qui nous paraissent désirables :
Le service des omnibus est
aussi complet qu’il peut l’être : tout au plus, pourra-t-on
par suite de l’établissement de quelques nouvelles lignes de
tramway ou d’un chemin de fer, modifier certains itinéraires et en
faire profiter des quartiers déshérités dont les chaussées trop
étroites ne permettent pas l’installation d’autres moyens de
transport.
Il ne faut pas non plus songer
à augmenter la circulation par eau : la Seine possède deux
services de bateaux à vapeur et il ne semble plus possible qu’une
nouvelle concurrence s’y exercer, sans danger.
L’établissement des
tramways a marqué la première étape dans la voie des
améliorations. Sur tous les points où ce mode de locomotion est
employé, il rend d’immenses services, mais aujourd’hui les
voitures des tramways sont devenues trop petites, on a beau
multiplier les lignes ou augmenter le nombre de voitures, il y a
toujours plus de voyageurs que de places.
Pour remédier à cette
insuffisance, on songe à substituer des moteurs mécaniques aux
chevaux : plusieurs systèmes ont été expérimentés et ont
donné des résultats satisfaisants : l’un emploie l’air
comprimé, les autres la vapeur d’eau produite en marche ou
emmagasinée dans un récipient et pouvant fournir une certaine
course.
La ligne de la gare de
Montparnasse au pont d’Austerlitz est déjà pourvue de machines à
vapeur et peu à peu, il faut l’espérer, d’autres lignes
jouiront des mêmes avantages.
Le public est bien
certainement reconnaissant des efforts que fait l’Administration
pour améliorer les moyens de communication, mais il faut couronner
l’œuvre commencée par la création de chemins de fer.
Nombre
de voyageurs attendent impatiemment l’exécution d’une de ces
voies ferrées comme on en construit tant dans les localités qui
n’ont ni voyageurs, ni trafic et qu’hélas, on oublie trop
facilement à Paris, où tout le monde
est pressé et aspire à voyager rapidement et à bon marché.
Il faut don aviser et aviser
vite, car il est indispensable que les nombreux étrangers que va
attirer l’Exposition universelle ne trouvent pas Paris dans une
situation d’infériorité avec Londres.
Nous avons donné dans notre
dernier numéro une carte des chemins de fer qui paraissent
indispensables tant à Paris que dans sa banlieue et nous croyons
devoir résumer ci-dessous les tracés indiqués.
- Chemin de fer circulaire (projet Brunfaut) desservant un grand nombre de localités de la banlieue et pénétrant dans Paris par trois branches aboutissant à Notre-Dame de Loret-te, place du Château-d’Eau, quai Montebello vis-à-vis Notre-Dame et se reliant avec le tronçon des Invalides à Courbevoie, concédé à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest.
- Lignes des anciens boulevards extérieurs (Projet Vauthier modifié) se reliant par l’avenue du Roi-de-Rome et une des avenues projetée dans Passy au chemin de fer d’Auteuil, à la station de Passy. Entre la place du Trône et le pont de Bercy, le tracé abandonne des boulevards pour emprunter l’avenue projetée entre ces deux points, puis reprend les boulevards extérieurs et vient se souder aux abords du champ de Mars, à la ligne concédée à la Compagnie de l’Ouest.
- Prolongement du chemin de fer de l’Est jusqu’aux Halles centrales (Projet Brame, Fla-chat et Grisot de Passy) en suivant le boulevard Sébastopol.
- Enfin, ligne allant de la Villette à la Bastille en empruntant le boulevard Richard-Lenoir. Ce tracé pourrait probablement être relié avec le chemin de fer de Paris à Lyon.
Avec un réseau de voies
ferrées tel que nous venons de le décrire, se raccordant sans
difficulté avec les lignes des grandes compagnies, on donnerait
satisfaction aux aspirations légiti-mes des habitants du département
de la Seine. Rappelons toutefois qu’il ne faut pas adopter un mode
exclusif de construction : on doit se borner à établir les
voies d’après les données de l’expé-rience acquise, soit à
niveau, soit en viaduc, soit en souterrain, suivant les difficultés
que présen-tera le relief du sol ; il ne faut pas oublier que
le succès sera d’autant plus assuré que l’on pourra offrir aux
voyageurs l’air et le soleil.
Quelle que soit la décision
de l’Administration, espérons que, cette fois, la question
rece-vra une solution conforme aux désirs des populations :
tout nouvel ajournement ne pourrait s’inter-préter que comme une
renonciation pure et simple de jamais doter Paris et sa banlieue de
chemins de fer.
Tel ne sera pas, nous en
sommes convaincu le résultat des études approfondies de nos
ingénieurs et de nos administrateurs.
Victor
Favry
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