Source : BnF
Bonne lecture !
Bisous,
@+
Sab
Les devises sur les bannières
Chantaient le retour du César.
Avec des fleurs dans leurs crinières,
Six chevaux blancs traînaient son char.
Lui, dans un glorieux murmure,
Il passait, au-dessus des lois.
L’or ciselé de son armure
Racontait ses récents exploits :
L’incendie achevant les sièges,
La mêlée aux rudes assauts
Et le sang, comme l’eau des neiges,
S’écoutant des morts en monceaux,
Les villes sans toits ni murailles,
Les champs sans arbres ni moissons
Et les lendemains des batailles
Lourds de butins et de rançons.
Il passait. Sur la large épée
Qui dirigea les bataillons,
Sa main robuste était crispée ;
Son casque lançait des rayons.
Devant lui, pour ouvrir la marche,
Douze éléphants se balançaient
Et sous eux, comme sous une arche,
En riant les enfants passaient.
Sur des housses à longues franges,
Trente dromadaires cagneux
Portaient des pains et des oranges
Qu’on jetait au peuple joyeux.
Des esclaves, à gauche, à droite,
Soulevaient des outres de vin
Pour emplir d’une main adroite
Les coupes qu’on tendait sans fin.
Des noirs tenaient sur leur épaule
Des singes moqueurs et criards
Et des captifs prêts pour la geôle
Baissaient les yeux, chefs et vieillards.
Et, leurs longs cheveux en désordre,
Poings liés et pieds entravés,
Quand on frappait, fâchaient de mordre,
Et trébuchaient sur les pavés.
Des coffres sur le dos des mules
Résonnaient de pièces d’argent
Et l’on voyait briller des bulles
Aux cous des plus beaux jeunes gens.
L’air vibrait, la joie était ivre !
L’encens fumait aux carrefours.
Aux sons clairs des tubas de cuivre
Répondaient les tympanons sourds.
Mais, comme, en mer, un roc tranquille
Divise l’onde en deux sillons,
Le héros passait, immobile,
Au milieu des ovations.
Et, plissant sa bouche muette,
Serrant le pommeau qui réduit,
Pâle et sans détourner la tête,
Il écoutait, derrière lui
La plainte, d’un accent bizarre
Dans ce triomphe souverain,
De la brune vierge barbare
Enchaînée à son char d’airain…
Et toi, Poète, qu’on acclame,
Souvent, génie, au front lauré,
Une douleur te ronge l’âme
Lorsque la gloire t’a sacré.
Des combats de l’Art et du Rêve
Si jamais tu reviens vainqueur,
Tout te sourit, ton jour se lève,
Le peuple te jette son cœur…
Mais toi, dans la fervente houle,
Tu n’as qu’u sourire glacé :
Hélas, sous les yeux de la foule
Tu traînes ton amour blessé.
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