23 juin 2015

Yasunari Kawabata : L'Eau [Récits de la paume de la main]

Ah que coucou !

A nouveau cette nouvelle est bien plus courte pour la résumer ici... d'ailleurs elle est si courte que cela ne vaut pas la peine de créer un document à télécharger... alors, une fois n'est pas coutume, vous trouverez sous ma signature :
pour ceux et celles qui la désirent sous format pdf, contactez-moi et je vous la ferai parvenir...

Bonne lecture !

Bisous,
@+
Sab

Peu de temps après qu’elle fut arrivée du Japon pour l’épouser, son mari fut muté à la station météorologique de Hsing-an-ling, en Chine septentrionale. Sa plus grande surprise fut le prix de sept sen qu’il fallait payer pour avoir un jerricane d’eau – une eau sale et croupie. Elle avait la nausée rien qu’à l’idée de devoir l’utiliser pour se rincer la bouche ou laver le riz. En six mois, draps et sous-vêtements blancs avaient jauni. De plus, cette année-là, il semble que le gel avait atteint le fond des puits, dès décembre. Les coolies apportaient on ne sait d’où des blocs de glace qui servaient de temps à autre pour faire un bain nécessitant de longs préparatifs. Il n’était plus question d’avoir des exigences, elle se sentait seulement reconnaissante de pouvoir ainsi réchauffer les os de son corps engourdi par le froid ; comme dans un rêve lointain, elle se souvenait des bains de la terre natale, une serviette immaculée à la main, immergée jusqu’aux épaules dans l’eau chaude qui embellissait ses pieds et ses jambes.

- Euh, excusez-moi, pourriez-vous me céder un peu d’eau s’il vous en reste ? fit la voisine, tenant une petite théière en faïence. Je n’ai pas fait attention et j’ai utilisé toute celle que j’avais pour astiquer des casseroles que j’avais négligées.

Elle n’avait plus de réserve d’eau, mais elle lui offrit la moitié du thé qu’elle avait préparé ;

- Vivement le printemps, que l’on puisse faire des lessives à grande eau ! Comme ce serait agréable de pouvoir la déverser ! ajouta la voisine.

L’abondance d’eau pure était le vœu de toutes les expatriées. La fonte des neiges se faisait attendre. L’eau versée du baquet serait aspirée avec délices par la terre. Et les premiers à germer sur cette terre seraient des pissenlits.

Alors qu’elle avait invité la voisine à profiter aussi de leur bain, le train qui se dirigeait vers la frontière nord s’approcha en remontant du fond de la vallée. C’était l’heure des informations. Elle écouta les nouvelles du front sud.

- Comme c’est vaste ! dit d’une voix chaleureuse la voisine dans son bain.

De fait, la station météorologique de Hsing-ling où travaillait le mari couvrait le ciel jusqu’au Pacifique sud : c’était cela le Japon désormais.

Elle sortit de leur logement de fonction et vit que le givre tombait des branches du mélèze en s’éparpillant : on eût dit la chute des pétales de cerisier. L’épouse leva des yeux juvéniles vers le ciel d’azur profond qui lui rappelait la mer de son pays natal.

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